Hélène a très envie d’organiser un grand diner où se retrouveront son ex-conjoint, sa fille et son compagnon, et trois amis chers. Il y aura une belle table. Elle préparera son plat favori, elle qui adore cuisiner. Ce sera réussi, elle en a tellement envie.
Mais quelle idée !
Ils sont tous là, la table est dressée. Les invités vont faire ripaille, ils causent, ils s'interpellent, ils évoquent ou disputent des anecdotes. C’est joyeux, parfois agressif et pleinement bizarre. Hélène ne semble pas vraiment là, elle parle ou commente, elle passe devant ou derrière un convive.
Mais que se passe-t-il ? À quoi allons-nous donc assister ?
De discussions tendues en traits vachards, de tentatives en tentations, presque de Charybde en Scylla, nous assistons à des temps forts de la vie de ces êtres proches ou qui le furent, meurtris sans aucun doute et qui seront toutes et tous étonnés de ce qu’ils vont entendre autant que dire.
Un règlement de comptes ou de contes ? Un arrangement ou un dérangement entre proches ? Un jeu peut-être ? Celui des quatre vérités entremêlées d’on ne sait combien de mensonges. Et dans mensonge, il y a songe, c’est bien ça ?
L’oubli n’a jamais fait bon ménage avec le souvenir, ça se saurait. La rancœur qui croît, l’aigreur que ronge ne peuvent que finir dans l’explosif énoncé des causes aux effets salvateurs ou désastreux, c’est selon.
Sentiment d’abandon ou de surprotection, estime ou surestime de soi, connivence ou confidence, cachoterie ou secret, les méandres de ce labyrinthe semblent complexes, les sorties soumises au risque de payer au prix fort le droit de passage.
Stéphane Guérin écrit à nouveau avec une plume trempée de sensibilité sur les tourments de la quête identitaire, la recherche d’explications sur les histoires de vie, sur les peurs, sur les liens affectifs ténus et toujours complexes entre proches ou au sein d'une famille.
Là où l’irrationnel joue de l’émotion pour mieux se jouer de la raison.
Car ici, chaque histoire personnelle, chaque expérience sociale ou intime des personnages colorent leurs propos et leurs relations. C’est dit avec retardement parfois mais c'est dit, et avec conviction toujours. L’humour aide, il prévient de la souffrance.
Un texte surprenant, touchant et drôle à la fois, piquant et piqué, brouillé par un non-sens permanent, parsemé d’explosions fulgurantes.
Mais que s’est-il passé ? À quoi avons-nous donc assisté ?
La mise en scène de Anne Bouvier est splendide. D’une finesse soignée, d’une efficacité totale. Les mises en espace et en jeu élaborées déroulent le fil dramaturgique avec une adresse incroyable, notamment dans les juxtapositions de situations. Une délicieuse poésie et une ravageuse incongruité en ressortent.
La distribution toute entière est brillante. Toutes et tous sont croustillants, émouvants et drôles dans une partition qui ne doit pas être si simple à jouer. Superbes David Brécourt, Julie Cavanna, Valentin de Carbonnières, Pascal Gautier, Raphaëline Goupilleau, Pierre Hélie et Salomé Villiers !
Une pièce qui étonne et détone, des jeux magnifiques, un spectacle parmi les surprises très agréables du festival. À ne surtout pas manquer !
Spectacle vu le 23 juillet 2018,
Frédéric Perez
Une pièce de Stéphane Guérin. Mise en scène de Anne Bouvier. Lumière de Denis Koransky. Scénographie de Emmanuel Charles. Costumes de Caroline Martel. Musique de Raphaël Sanchez. Chorégraphie de Sophie Tellier.
Avec David Brécourt, Julie Cavanna, Valentin de Carbonnières, Pascal Gautier, Raphaëline Goupilleau, Pierre Hélie et Salomé Villiers.
KAMIKASES au Théâtre Buffon
à 21h35 jusqu’au 29 juillet (relâche le 24 juillet)