L’écrivain Paul Sheldon écrit une saga à succès depuis si longtemps que la célébrité et la richesse ne suffisent plus à le tenter de poursuivre avec un énième tome les aventures de Misery Chastain. Au neuvième opus, c’en est dit, il tue son héroïne et se consacre à une toute autre littérature.
Oui mais non ! Le hasard, cet auguste ou maléfique compagnon de vie, en décidera autrement. Un accident de voiture. Une sauveuse qui est là. Ancienne infirmière, fan numéro 1 de l’écrivain, Annie Wilkes le recueille chez elle dans une ferme reculée, le soigne et... le séquestre.
Elle découvre que le dernier livre de Sheldon fait mourir Misery. Non mais puis quoi encore, Misery morte ? C’est une erreur insupportable, une faute grave pour Annie Wilkes, fan numéro 1 ! Lectrice fidèle et passionnée voire passionnelle, peut-être, mais psychopathe surtout et avant tout sans aucun doute.
Ah ça non mais, il va la ressusciter Misery ou mourir, rien moins !...
Fabuleuse histoire où Paul Sheldon, victime improbable mais bien réelle, comprend vite que Annie Wilkes, sa bourrelle de lectrice, mélange vérité et vraisemblance, fiction et réalité, désir et fantasme, besoin et nécessité.
Il doit se sortir de ce piège qui se referme sur lui d’heure en heure, tout affaibli et maltraité qu’il soit. Oui, mais comment ?
Savamment mise en scène par Daniel Benoin, cette pièce est prégnante aussitôt, envoutante jusqu’au bout. Un huis-clos d’enfer palpable. Une machinerie diabolique huilée comme il le faut pour nous faire croire à l’impossible destinée de cette femme, au combat incroyable entre ces deux personnages. Rien ne les relie pourtant si ce n’est la fiction romanesque que l’un écrit et que l’autre ressent si intérieurement qu’elle semble avoir fondu sa vie dans celle de l’héroïne.
Un duo de comédiens exceptionnels pour ce duel de tensions et de d’émotions tissées avec une précision redoutable. Une dramaturgie impressionnante alliant les passages de répit aux moments où l’on devine poindre l’extrême. Nous sommes cueillis par l’argument, ses rebondissements et ses scènes magnifiques mais surtout saisis de bout en bout par le jeu de deux très grands acteurs qui encore une fois, nous subjuguent.
Myriam Boyer est époustouflante de justesse et de sensibilité. Elle joue tout en nuances l’amour persécuteur, la fusion affective et le délire d’identité. Elle arrive à nous faire éprouver une palette de sentiments, de l’horreur à la compassion sans jamais appuyer son jeu d’effets ou de truchements. Francis Lombrail est saisissant. Il joue tout en humanité ce personnage troublé et troublant qui passe de la douleur à la colère avec une sincérité incroyable.
Un spectacle haut en couleurs et en émotions. Une intrigue haletante magistralement mise en scène. Un duo de comédiens exceptionnel où Myriam Boyer et Francis Lombrail sont magnifiques. Incontournable spectacle.
Spectacle vu le 19 septembre 2018,
Frédéric Perez
Une pièce de William Goldman d’après le roman de Stephen King. Adaptation française de Viktor Lazlo. Mise en scène de Daniel Benoin
assisté de Alice-Anne Filippi Monroché. Scénographie de Jean-Pierre Laporte. Costumes de Nathalie Bérard-Benoin. Lumières de Daniel Benoin. Vidéo de Paolo Correia.
Avec Myriam Boyer et Francis Lombrail.