Cette lecture spectacle est magnifique. Ariane Ascaride et Didier Bezace nous envoûtent avec les textes variés de Elsa Triolet et de Louis Aragon, dits et joués avec élégance et tendresse, fougue et espièglerie, qui nous captent aussitôt et ne nous lâchent pas. Ces très grands artistes sont tous deux des passeurs de poésie qu’ils rendent généreuse et proche.
Poèmes, extraits de romans ou de lettres, nous nous laissons aller avec délice dans ce temps suspendu dédié au bonheur que seuls les moments rares de théâtre savent offrir. Une invitation au voyage au pays du merveilleux des mots et des voix qui se mêlent pour nous offrir des sensations d’amour, des plaisirs de rêveries et de scènes pleines d’humour ou de métaphores.
Du choix des textes et des musiques par Bernard Vasseur et Didier Bezace, en passant par la mise en scène de Didier Bezace, jusqu’au jeu et à la narration de Ariane Ascaride et Didier Bezace, tout, vraiment tout est d’excellence et nous touche profondément. Plus long, il faudrait s’attendre à ce que le spectacle conduise les sourires et les frissons à se laisser baigner de larmes. Tant c’est bon et lumineux, chaleureux et sensuel. Voilà un grand moment de partage d’émotions et de beauté.
« L'avenir de l'homme est la femme
Elle est la couleur de son âme
Elle est sa rumeur et son bruit
Et sans elle il n'est qu'un blasphème
Il n'est qu'un noyau sans le fruit
Sa bouche souffle un vent sauvage
Sa vie appartient aux ravages
Et sa propre main le détruit » Louis Aragon.
Ariane Ascaride est époustouflante de précision et de finesse dans les nuances et la puissance de sa diction. Par petites touches ou par traits posés, elle donne aux textes une féminité digne, à l’indépendance implacable, tout en distillant un amour irrévocable et exigeant.
Didier Besace passe du murmure à l’éclat avec une adresse fulgurante et fait ressortir l’intensité, la densité et l’exaltation, mais aussi la fragilité de l’amour de Louis pour Elsa, sa muse, son autre soi-même, son désir permanent.
J’ai vu tous les soleils y venir se mirer
S’y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j’y perds la mémoire… » Louis Aragon.
Quel couple extraordinaire et emblématique qui sut allier la passion d’aimer, le combat pour la liberté et épanouir dans leurs vies une créativité littéraire exceptionnelle. Un couple qui jusque sur leurs tombes signera leur amour.
« Quand côte à côte nous serons enfin des gisants, l'alliance de nos livres nous unira pour le meilleur et pour le pire, dans cet avenir qui était notre rêve et notre souci majeur à toi et à moi. La mort aidant, on aurait peut-être essayé, et réussi à nous séparer plus sûrement que la guerre de notre vivant, les morts sont sans défense. Alors nos livres croisés viendront, noir sur blanc la main dans la main s'opposer à ce qu'on nous arrache l'un à l'autre. Elsa » Épitaphe inscrit sur leur sépulture.
Une lecture-spectacle exceptionnelle qu’il faut goûter et savourer sans attendre, au risque de manquer une pépite de poésie, un bien-être chaleureux, à notre portée pour quelques représentations. Vous ai-je dit que je trouvais ce spectacle magnifique ?
Spectacle vu le 31 octobre 2018,
Frédéric Perez
Une lecture spectacle de textes de Louis Aragon et d’Elsa Triolet. Choix des textes et des musiques par Bernard Vasseur et Didier Bezace. Mise en scène de Didier Bezace assisté de Dyssia Loubatière. Régie générale et Lumières par Léo Thévenon. Réalisation de la bande son et du visuel par Dyssia Loubatière.
Avec Ariane Ascaride et Didier Bezace.