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Oh mais dis ! Je ne suis pas sorti comme je suis entré au théâtre hier soir !...

 

Il y avait en plus comme un petit bonheur qui voletait autour de moi, comme un papillon joyeux qui cherche à se poser mais qui virevolte partout avant de choisir. La nuit était claire et douce. L’air était clément, il sentait encore bon le plaisir d’un beau et remarquable moment de théâtre.

 

Car ce spectacle est bluffant. Il nous emporte avec douceur. Il nous étonne avec drôlerie. Il nous fait du bien à la pensée et à l’affectivité. Je ne serais pas surpris de découvrir qu’il vient aussi titiller notre armoire aux souvenirs, aux désirs enfouis, aux projets rangés, aux plaisirs frustrés qui attendent leur heure.

 

Le texte de Jean-Pierre Brouillaud est très riche, il grouille d’idées et de mots qui touchent. L’argument pourrait être un improbable récit de vie et se révèle une histoire si proche et vraisemblable que nous sommes surpris par ce tourbillon qui s’annonce, qui grossit et qui nous transporte un peu plus loin.

 

Nous voici là où d’autres horizons sont possibles. Là où les propos et les situations sont si voisines de nos rêves et de nos peurs que ce qui nous semblait incroyable voire impensable au début transforme peu à peu notre résistance au changement et ce redoutable contournement prescrit dès l'enfance de tout chemin de traverse de notre vie sociale ou affective.

 

Nous voici placés devant une autre façon de voir la vie, d’envisager la reconnaissance sociale, de désirer l’avenir. Comme si les personnages tendaient leurs mains pour nous conduire de l’autre côté de la pensée toute faite, là où l’on peut voir les autres facettes de la différence.

 

« Orianne et François forment un couple bien sous tous rapports, elle est universitaire, il est avocat, ils gagnent bien leurs vies, ils ont « réussi ». Tout va bien. Jusqu’au jour où François perd son travail d’avocat d’affaires et décide après un an de chômage de… prendre une décision catastrophique. Tout est bouleversé. Ils vont devoir s’interroger pour accepter ou non d’évoluer et continuer à vivre ensemble. Le temps d’une nuit, ils vont traverser la tempête d’une crise dont l’issue est incertaine. »

 

Comme ils sont ténus ces liens entre le rapport au travail et l’équilibre de la personnalité, entre la reconnaissance socioprofessionnelle et la reconnaissance de soi. Comme il est difficile de savoir si l’on s’accepte ou est accepté·e pour ce que l’on fait ou pour qui on est. Faut-il lutter ou se soumettre ? Quelle force a l’amour dans ces combats de vie ?

 

La mise en scène et la direction de jeux de Éric Verdin donnent au texte une formidable ampleur et un écrin qui convient tout à fait. Les répliques percutantes ressortent avec une puissance caustique et à la fois tendre. Les situations sont fluides tant elles sont bien exposées et éclairées dans l’espace, avec une efficacité agréable qui sert le texte avec évidence.

 

Les comédiens subjuguent vraiment. Mathilde Lebrequier (Orianne) et Renaud Danner (François) montrent à tout moment un engagement incroyable et une palette de jeux variée et stupéfiante. Les postures, les regards, les silences, les adresses au public comme les échanges entre les personnages, tout est criant de vérité, d’humour et de sensibilité.

 

Renaud Danner montre une chaleur et une humanité, une sincérité et une affection, avec une précision inouïe. Mathilde Lebrequier fait évoluer son personnage avec un brio remarquable et touchant. La puissance de la femme forte comme le désarroi de l’épouse touchée, la tendresse troublée et la conviction d’un avenir meilleur que dégage Orianne sont magistralement rendus. Deux interprétations complémentaires et saillantes.

 

Un texte dont on admire la splendide teneur et l’efficace facture. Une mise en scène et une direction de jeux dont on admire la précise et agréable réalisation. Une interprétation dont on admire la magnifique (le mot est faible) et l’impressionnante (le mot est juste) présence…

 

Comment dire… J’admire l’aisance avec laquelle ce spectacle m’a passionné ! Une nouvelle pépite du Studio Hébertot, drôle, intelligente et qui nous parle. Indispensable rendez-vous théâtral que je conseille vivement.

 

Spectacle vu le 29 novembre 2018,

Frédéric Perez

 

De Jean-Pierre Brouillaud. Mise en scène, créations lumière et son de Éric Verdin. Costumes de Amélie Robert. Conception graphique de Aurélie Mydlarz. Musique de Xavier Deroin. Chorégraphie de André Bellout.

Avec Renaud Danner et Mathilde Lebrequier.

Jeudi à 19h, vendredi et samedi à 21h, dimanche à 15h
78 bis boulevard des Batignolles, Paris 17ème
01.42.93.3.04  www.studiohebertot.com

 

- Photo © DR -

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