L’histoire qui nous est contée dans ce spectacle aux allures de conte initiatique de fin d’enfance, touche au merveilleux des aspirations au bonheur truffé d’illusions, d’espoirs et de plaisirs en attente, comme au réalisme profond du quotidien qui râpe de ses contours qui font mal, qui font peur et qui empêchent. C’est l’histoire de Marie ou du moins une partie de sa jeune vie où le doute se mêle au trouble, l’enthousiasme à l’euphorie. Où tout est protection, presque sous contrôle, et où les pensées se construisent peu à peu, se libérant des jougs et se gonflant de désirs d’autonomie, d’indépendance, jusqu’à pouvoir dire oui ou non.
Marie est encore une enfant, Marie sera bientôt une adolescente. Cette fameuse période de la préadolescence, entre 8 et 12 ans, où certains enfants se cachent pour grandir, ou pas. Où les transformations à l’œuvre qui se manifestent les troublent fortement, ou pas, selon l’importance des actions et des propos de celles et ceux qui les entourent, sans doute. Un entourage pour qui faire confiance ne se confondrait pas avec laisser tomber les étais, les repères et les références qui serviront le temps venu à cultiver le sentiment de compétence, l’estime et la conscience de soi, et qui permettront alors de prendre son envol au pays des plus grands.
« L’important c’est de danser dans sa tête » dit la grand-mère à Marie. Poésie du temps qui s’échappe ou celui du temps à vivre…
Entre prescriptions et conseils, entre essais et erreurs, entre l’importance des rencontres et la confiance aveugle à quiconque, pourra-t-elle surmonter les peurs de l’inconnu et de l’étrange ? Qu’arrivera-t-il à la petite fille sage quand enfin elle dira non ? Saura-t-elle juger par elle-même des risques à prendre pour découvrir le monde, sans les confondre avec le danger ?
Un spectacle « jeune-public » ou plutôt « tout-public », adroit et agréable, qui ne se prive par de faire appel à l’intelligence comme à l’émotion du public. L’adresse des messages sur l’obéissance, le choix, la transmission, le rapport à la mort et l’émancipation comme la beauté soignée des images des situations qui les véhiculent, concernent autant enfants, jeunes ou adultes. Désirs d’avenir ou réminiscences du passé, tant et tant de questions que les sujets abordent.
Nous sommes toutes et tous happés par la finesse douce et onirique de certains passages, par l’éclat lumineux de ce qui est dit ou suggéré à la pensée, par la beauté artistique qui se dégage tout le long grâce à la redoutable efficacité du texte, de la mise en scène, de la scénographie, des lumières et du jeu. C’est lumineux, profond et proche. Ça fait mouche et ça touche.
Un spectacle bienveillant qui interroge, des moments magiques qui transportent, le tout très bien joué. À voir sans hésiter ! Attention, jusqu’à samedi à Paris puis en tournée.
Spectacle vu le 14 novembre 2018,
Frédéric Perez
Texte et mise en scène Carole Thibaut. Assistanat à la mise en scène Vanessa Amaral, Malvina Morisseau et Fanny Zeller (en alternance)
scénographie Camille Allain-Dulondel. Création lumières Yoann Tivoli. Création sonore et musicale Margaux Robin. Création vidéo Vincent Boujon. Costumes Elisabeth Dordevic. Régie générale Pascal Gelmi et Jean-Jacques Mielczarek. Construction Nicolas Nore, Jérôme Sautereau et Séverine Yvernault. Régie son Pascal Gelmi. Régie lumière Thierry Pilleul en alternance avec Guilhèm Barral.
Avec Yann Mercier, Marie Rousselle-Olivier et Hélène Seretti Participation à l'image de Valérie Schwarcz et Lou Ferrer-Thibaut.