Victoria est colère. Elle s’est faite piégée par Mike, son « ex », par ailleurs son supérieur hiérarchique, et se retrouve seule en pleine période de Noël, soupçonnée en plus de fraude dans la banque où elle est cadre. Et là, elle craque, que voulez-vous qu’elle fasse ? Derrière sa colère, la rage gronde et explose. Non vraiment, ce n’est pas le bon jour.
Chuck est colère. Il est pizzaiolo en faillite suite à l’incendie de sa pizzeria. Rien ne va plus. Les assurances qui flanchent, son couple pas loin de s’y mettre aussi, les enfants dont un futur nouveau-né qu’il faudra bien nourrir. Bref, il décide de décider et se fait cambrioleur d’un jour, il faut bien s’en sortir quand même.
Et soyons fous ! Chez qui décide-t-il d’aller cambrioler ? Chez Victoria bien sûr ! Le jour où la rage ravage et le sapin s’abat !... Non vraiment, ce n’est pas le bon jour.
Que vont-ils faire de ces colères ? Les affronter ou les associer ?
CAMBRIOLAGE est une pièce à la manière d’un conte un rien déjanté, qui choisit l’humour pour nous entreprendre et où comme dans tout conte, il fait bon retrouver un peu de soi, de ses désirs enfouis, de ses frustrations oubliées, de ses peurs et de ses envies cachées. Où nous ressentons le plaisir de découvrir des affinités avec les personnages, de se confronter aux interdits sociaux jusqu’à les voir transgressés, de vivre le temps d’un rêve éveillé les mille et un possibles qui surgissent tout à coup et qui jonglent enfin avec la vraisemblance.
L’autrice Ana-Maria Bamberger dépeint avec une finesse intrusive des personnages qui nous ressemblent et décrit avec une adresse efficace les situations toutes improbables soient-elles mais si vraies car si proches. Le texte est saillant et drôle, certaines répliques font mouche. Il décide de nous faire prendre le chemin d’un rire salvateur qui vient titiller notre rapport au réel par petites touches délicates, sans cynisme, toujours complices.
Qui n’a pas rêvé d’être le Robin Des Bois d’un soir ? De faire payer à tous ces riches de nous laisser seuls dans notre pauvreté ? Qu’une fois, cette fois-là justement, la justice soit la nôtre ? Que les notions de crime et de châtiment, de besoin et de nécessité, de culpabilité et de responsabilité, de vol et de vengeance, soient brouillées. Juste une fois, cette fois-là justement.
La magie du théâtre le permet. La fameuse catharsis le rend possible. Le rationnel se chahute avec l’imaginaire, la rêverie devient plausible et le rire aidant, le plaisir est roi. De ce point de vue aussi, le spectacle est réussi.
La mise en scène de Catherine Mahieu donne une simplicité utile et nécessaire au déroulement logique et fluide de l’histoire. Elle découpe avec précision les contours de la sensibilité des personnages et montre la cocasserie des éclats de leurs aléas.
Les deux comédiens sont drôles et touchants. Arthur Berne joue un Chuck attachant, introverti et un peu cassé, et Catherine Mahieu une Victoria impulsive, irascible et troublée. Une belle interprétation de personnages finalement si proches même s’ils nous surpassent parce qu’ils osent.
Une comédie mais pas que. Un texte superbe et intéressant. Une interprétation qui dépote. Un spectacle que je recommande.
Spectacle vu le 4 janvier 2019,
Frédéric Perez
De Ana-Maria Bamberger. Mise en scène de Catherine Mahieu.
Avec Arthur Berne et Catherine Mahieu.