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Un moment de théâtre captivant tant par la drôlerie placée comme une légèreté de façade que par la description crue et cruelle du rapport d’un fils avec sa mère. Ou peut-être faudrait-il dire du rapport d’un fils avec l’amour maternel ?

 

Le spectacle se déroule le temps d’un déjeuner, le temps d’un temps, troublant et fort, truffé de rebondissements saillants qui nous touchent et nous surprennent.

 

Cette nouvelle pièce de François Bégaudeau confirme ce qui fait sans doute une des caractéristiques de son théâtre : Creuser l’instant habité par les personnages pour en voir toutes les facettes, tous les possibles retournements ou au contraire les insistances têtues qui fondent leurs propos. Le texte charrie des questions subtiles et fondamentales dans un velours rugueux et finalement doux, avec un humour toujours décisif qui nous permet de rire et d’apprécier des scènes véritablement savoureuses.

 

Ce qui jaillit tout le long est précieux et drôle à la fois. Il se joue là la reconnaissance de la quête identitaire d’un homme face à sa mère qui le voit d’abord comme son fils, comme son enfant. Elle l’aime mais lui, l’aime-t-il ? « Amour pour la mère ou amour de la mère ? » interroge la psychanalyste Alice Blint. C’est le nœud de ce lien que la pièce nous raconte. Se rompra-t-il à la fin ?

 

Des abattages furieux de mots piquants ou fuyants et des temps suspendus à l’émotion des sentiments se succèdent, se juxtaposent, se décomposent presque. Faut-il parler ou se parler ? De quoi a besoin l’un de l’autre ? Fils-enfant, fils-adulte, lequel attend quoi de sa mère, lequel se rebelle, lequel parle enfin ? L’amour qui devrait les lier se suffit-il d’exister, doit-il être justifié ou se constate-t-il ?

 

La mise en scène de Panchika Velez donne au texte toute sa place, sans effet ou ajout inutiles. Le théâtre de Bégaudeau n’en a pas besoin, il est ici merveilleusement servi par une direction de jeux précise, laissant aux comédiens le soin de nous entreprendre. Et cela fonctionne. Un duel éblouissant entre deux comédiens impressionnants, ponctuée par la venue d’un comparse adroite. Des rôles magnifiques pour une interprétation magnifique.

 

Catherine Hiegel nous cueille dès le début. Elle sait autant nous faire rire que nous émouvoir avec ce personnage de mère qu’elle incarne avec une sensibilité à fleur de peau, sans appui mais avec un impact certain, réussi à chaque fois. Quelle comédienne hors pair, une leçon d’interprétation à nouveau. Merci Mademoiselle Hiegel.

 

Pierre Palmade nous montre une nouvelle fois son talent de comédien « pas que drôle ». Il nous subjugue tout simplement dans cette progression des postures et des sentiments de son personnage. Chapeau bas l’artiste.

 

Marie-Christine Danède campe une amie de la famille avec adresse, servant au mieux et en toute évidence l’esprit de médiation de son personnage. Une partition difficile et très bien jouée.

 

Un texte superbe qui interroge avec humour. Des comédiens en verve qui jouent magnifiquement. Un spectacle agréable et intéressant à ne manquer sous aucun prétexte.

 

Spectacle vu le 31 janvier 2019,

Frédéric Perez

 

De François Bégaudeau. Mise en scène de Panchika Velez assistée par Mia Koumpan. Décor de Claude Plet. Musique de Bruno Ralle et Guillaume Siron pour BALOO productions. Lumière de Marie-Hélène Pinon. Costumes de Marie Arnaudy.

Avec Marie-Christine Danède, Catherine Hiegel et Pierre Palmade.

Du mardi au samedi à 20h30 et mâtinée le samedi à 17h30
31 rue de la Gaîté, Paris 14ème
LE LIEN au théâtre Montparnasse
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