Un spectacle qui magnifie l’unique et sublime roman de Oscar Wilde, le rendant proche et vivant, mystérieux et captivant. Qu’on connaisse ou non le récit, l’effet est là, le fantastique nous surprend, l’étrange nous séduit.
« Lors d’une visite à son ami peintre Basil Hallward, Lord Henry rencontre le jeune Dorian Gray. Emerveillé par sa jeune beauté et sa naïveté, il se lie rapidement d'amitié avec lui et dit en plaisantant qu'une fois le portrait terminé, seul celui-ci gardera à jamais cette beauté tandis que Dorian vieillira peu à peu. Le jeune homme déclare alors qu'il donnerait son âme pour que ce portrait vieillisse à sa place. A ces mots, tous rirent... sur le moment. Par la magie de ce vœu, Dorian Gray conserve la grâce et la beauté de sa jeunesse. Seul son portrait vieillira. Le jeune dandy s’adonne alors à toutes les expériences »
L’adaptation théâtrale de Thomas Le Douarec relève du grand art. Elle restitue avec finesse l’esprit du roman de Oscar Wilde. Les humeurs saillantes du texte, son élégance poétique, les aphorismes piquants du dandysme anglais, viennent hanter le plateau et nous enveloppent du merveilleux et du fantastique transportés par le récit.
Les dialogues ciselés et efficaces, fidèles aux thèmes abordés par Wilde interpellent nos désirs les plus irrationnels, comme des rêves surpris de leur victoire éphémère contre leurs cauchemars. On ne peut que se laisser prendre par cette myriade de sensations et d'interrogations que le texte soulève.
La vie de Dorian Gray nous fait-elle rêver ou craindre ? Malgré la peinture cachée, ne nous montre-t-elle pas une transcendance du temps, repoussant ses limites, suspendant la vieillesse ? Une immortalité choisie ?
La quête manifeste de liberté esthétique du modèle face à son peintre, considérant son portrait terminé comme le résultat immuable d’une vérité acquise, serait-ce prétendre que l’art est dégagé de toute éthique, se déjouant de l’ordre moral ?
La perversité décadente de plaisirs sans fin, la jeunesse sublimée jusqu’à sa maitrise, donner la mort sans impunité, n’est-ce pas là l’illustration d’une pulsion de vie poussée jusqu’à la sensation de surpuissance narcissique, transgressant interdits et valeurs ?
Une mise en scène épurée et fluide de Thomas Le Douarec, qui repose essentiellement sur les jeux. Un texte fort et captivant, le public est suspendu tout le long jusqu'à son dénouement cruel et fatal. Une adaptation réussie.
Spectacle vu le 24 mai 2019,
Frédéric Perez
D'après l'unique roman de Oscar Wilde. Adaptation théâtrale et mise en scène de Thomas Le Douarec assistée pour la mise en scène par Caroline Devismes. Musique et bande son de Mehdi Bourayou. Lumières et régie de Stéphane Balny. Costumes José Gomez d'après les dessins de Frédéric Pineau.
Avec, en alternance, Caroline Devismes, Solenn Mariani, Maxime de Toledo, Thomas Le Douarec, Gilles Nicoleau, Fabrice Scott et Mickaël Winum.
Du mardi au samedi à 21h00
Matinée le samedi à 16h30 et le dimanche à 15h00
5 rue La Bruyère, Paris 9ème
01.48.74.76.99 www.theatrelabruyere.com