« La pièce est un huis-clos. C’est l’histoire du séjour de deux survivants dans un abri antiatomique après un attentat terroriste, à moins que… Louise et Mark n’ont pour seules ressources que de quoi survivre quelques jours dans cet abri. Une explosion semble avoir tout ravagé à l’extérieur. »
L’hyperréalisme fulgurant de l’écriture de Dennis Kelly nous saisit dès les premières minutes. L’effroi et le doute, la violence et le désir, la crudité et la cruauté s’entremêlent avec puissance dans les propos comme dans les actions.
Cette pièce de Kelly nous plonge à nouveau dans son univers sombre et terrifiant où le seul mot d’ordre semble être de retenir ou de confisquer l’attention de l’auditoire le plus longtemps possible, pour le laisser se perdre dans le labyrinthe de l’incompréhension, lui offrant quelques pistes pour nourrir son imaginaire. Le fantasme crée illusion, le réel est distendu jusqu’aux dérives. Le mensonge devient message et se confond dans l’ensemble du vraisemblable.
Mark a-t-il sauvé Louise ou non ? Qui ou quoi est intervenu pour que tous deux se retrouvent ainsi piégés à deux mètres sous terre ? En sortiront-ils ?
Avec l’acidité glaçante de son humour habituel, Kelly explore ici les mécanismes de la peur engendrée par la psychose. Les pulsions de vie et de mort combattent en permanence. L’humiliation sadique et la perversité de la possession dominent les comportements.
La tension palpable est superbement rendue par une mise en scène au cordeau et une direction de jeux fine et précise signées par Antonin Chalon. L’interprétation de Xavier Guelfi et Marie Petiot est littéralement impressionnante dans l’engagement et l’intensité du trouble implacable de leur récit.
Les ruptures du texte qui cinglent, les répliques qui se chevauchent, les liens de domination et de subordination sont parfaitement rendus et idéalement joués. L’émotion nous gagne peu à peu, le trouble nous emporte. Une interprétation saisissante. Chapeau bas !
Pour le plaisir de retrouver ou de découvrir l’univers de Dennis Kelly, voici un spectacle captivant de bout en bout, merveilleusement mis en vie, que je conseille de voir sans hésitation.
Spectacle vu le 9 juillet,
Frédéric Perez
De Dennis Kelly. Traduction de Olivier Werner et Pearl Manifold (L’Arche éditeur). Mise en scène de Antonin Chalon. Scénographie de Salma Bordes. Lumière de Antonin Chalon et Quentin Maudet. Son de Rémy Billardon et Antoine Henri De Villeneuve.
Avec Xavier Guelfi et Marie Petiot.