« Tim, aîné d’une fratrie de quatre enfants, revient dans sa famille pour l’enterrement de sa mère. Il y retrouve ses deux sœurs Gwen et Gwlad et son petit frère Tom. La mort de sa mère va faire resurgir tout ce qu’il croyait digéré et dissipé, les douleurs anciennes, la condition sociale, les rancunes des uns, la jalousie des autres, la bêtise ou la profonde tendresse… .»
Oh maman, comme ils s’aiment tes enfants ! De l’aîné à la benjamine, c’est bien simple, ils n’arrêtent pas de se prodiguer des attentions, des mamours et des gestes tendres. Comment ? Oui oui, même et surtout le jour de ton enterrement !... Enfin non en fait, pas vraiment. Au contraire plutôt. C’est quasiment le double inversé pourrait-on dire.
Ah ça mais, quelle est donc cette fratrie ? Des fauves en cage rassemblés pour l’occasion ? Qui ne fêtent pas leurs retrouvailles mais expédient les funérailles de leur mère avec une férocité lâchée et une évidente envie de contourner leurs relations.
Contraints de se retrouver tous ensemble, chacune et chacun cherchent sa place, quitte à prendre ou bannir celles des autres. Mais il ne s’agit plus aujourd’hui des places de leur enfance. Même si celles-ci semblent peser encore et toujours, revenir au-devant de leurs bons et mauvais souvenirs.
C’est un havre de douleurs que cette famille semble porter jusqu’à ce jour qui conclue leur enfance. Car elles et ils ne seront plus jamais « les » enfants. C’est comme un adieu, un adieu complexe.
Est-ce tout cela qui explose dans cette violence de diatribes, de reproches et de lâchetés ? Est-ce donc ceci qui se voit dans les regards et les expressions qui s’échangent sans pouvoir se dire l’affection ou partager l’affect ?
L’écriture de Stéphane Guérin manie le cynisme glaçant, poussant les actions aux limites du burlesque, les sentiments des protagonistes à leur paroxysme outré, pour dépeindre et se jouer du mythe familial et de ses figures symboliques. Le tout dans une forme de naturalisme réaliste où le loufoque et l’intrusif se côtoient sans cesse. Son texte est comme à l’habitude, plein de saveurs, d’images et de pensées troublantes. Caustique et dérision font bon ménage. C’est cyniquement drôle et agréablement touchant.
Les personnages pleurent, le public rit. Les situations graves et tristes deviennent rieuses voire hilarantes. L’émotion est la même pourtant mais elle est si bien transposée qu’elle devient amendable. Elle nous sourit, elle nous rend complices.
La mise en scène d’Hélène Zidi pose les marqueurs qui conviennent au texte avec une précision espiègle et un calage au cordeau. Les personnages sont crédibles et les situations s’échappent jusque ce qu’il faut pour que nous soyons ballottés en permanence par cette impossible vraisemblance à laquelle nous assistons. Les effets sans appui font mouche. La direction de jeux est comme le reste, précise, et donne aux rôles des contours bien campés et un ensemble harmonieux.
L’interprétation est superbe. Garance Bocobza, Grégory-Antoine Magaña, Alysson Paradis et Guillaume Sentou jouent avec un enthousiasme et une crédibilité efficaces. Elles et ils sont aussi drôles qu’émouvants.
Un texte attirant, une mise en scène et une interprétation réussies. Un spectacle curieux, intéressant et jubilatoire !
Spectacle vu le 9 juillet,
Frédéric Perez
De Stéphane Guérin. Mise en scène d’Hélène Zidi assistée par Alexandra Bialy. Scénographie et costumes de Marie Hervé. Lumière de Denis Koransky. Création sonore de Alain Governatori. Régie générale de Lou Chéruy-Zidi. Régie de Mathieu Ciron.
Avec Garance Bocobza, Grégory-Antoine Magaña, Alysson Paradis et Guillaume Sentou.