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Comme il est bon de retrouver la langue particulière, reconnaissable et percutante de Roland Dubillard. Si cet immense dramaturge est considéré comme l’un de nos plus grands poètes de l’absurde subtil et de l’humour noir insolite, c’est qu’il manie la bizarrerie extravagante avec la poésie du non-sens volontariste, jusqu’à friser souvent les frontières du surréalisme et du dadaïsme.

 

Incongrûment, ses textes honnissent tout ordre établi, toute norme attendue, toute convention évidente. Dubillard est un créateur, provocateur fondamental, qui se complaît dans le genre de l’écriture du contre-pied novateur et manifeste. Pas étonnant qu’il ait tracé si profondément son propre sillon et fait des émules autour et après lui.

 

Et pas étonnant non plus, et c’est un bienfait pour nous, que Hervé Van der Meulen se soit emparé de cette pièce pour en faire un majestueux et féerique moment de théâtre.

 

La pièce La Maison d’Os est une des plus emblématiques de Dubillard. « Un vieux Maître, touchant et dérisoire, prend conscience que l'heure de la mort est proche. Ses domestiques, dévoués mais pourtant critiques (valets, servantes, majordome, cuisinière, mais aussi médecins, prêtres ou avocats…) l'entourent et l'accompagnent dans ses derniers instants, et même au-delà… »

 

Le travail de Van der Meulen (n’oublions pas que le choix et l’ordonnancement des scènes sont laissés ad libitum, précise Dubillard) est magnifique et d’une précision tenace tout le long. Il construit savamment ce labyrinthe saugrenu de situations et de propos où toutes les issues possibles sont autant d’entorse à la logique. Montrant à merveille combien l’argument laisse place au mystère et à la dérision autant qu’à la profondeur des considérations lasses et des obstinations récurrentes.

 

Tout y est signifiant. Nous sommes « hors et dans » une sorte de maison-fantôme traversée en permanence d’un vent tempétueux d’annhilisme surréaliste. Les nombreux personnages sont campés avec fougue, maquillés et costumés de noir et blanc comme des morts-vivants vivants ou des vivants-morts rôdants. Leur langage cru et cynique s’échappe et ripe pour nous surprendre sans cesse d’interrogations sur les absurdités de la vie, sur l’utilité du temps qui passe ou sur la vacuité de l’existence.

 

Le parti pris de la mise en scène de Hervé Van der Meulen assisté de Shannen Athiaro-Vidal fait ressortir avec éclat, élégance et malice, la poétique délirante de cette pièce, la présentant avec une drôlerie souvent déroutante. Un travail d’orfèvre, calé au cordeau. C’est splendide et délicieux. Il ne reste plus au public qu'à se laisser transporter dans cet univers unique, charrié de sursauts dramaturgiques, de rebondissements de récit, de paroles savoureuses et des nombreuses ruptures désopilantes.

 

Les comédiens se fondent avec naturel et une redoutable efficacité dans cet ensemble magique et prenant. Théo Askolovitch, Marco Caraffa, Steven Dagrou, Julien Despont, Inès Do Nascimento, Arthur Gomez, Lubin Labadie, Leïla Loyer, Jeanne Masson, Juliette Maurice, Fany Otalora, Tristan Pellegrino, Eugénie Pouillot, Soulaymane Rkiba et Hervé Van der Meulen, toutes et tous créatifs, apportent une contribution enthousiaste et engagée.

 

Un spectacle drôle et captivant, d’une beauté et d’un intérêt remarquables. La pièce de Dubillard est donnée et fêtée ici de façon explosive et lumineuse. Un temps de théâtre mémorable de vif plaisir, à ne surtout pas manquer.

 

 

 

Spectacle vu le 25 février 2020,

Frédéric Perez

 

 

 

De Roland Dubillard. Adaptation de Hervé Van der Meulen. Mise en scène de Hervé Van der Meulen assisté de Shannen Athiaro-Vidal. Musique originale de Baptiste Allard, chorégraphie de Jean-Marc Hoolbecq, scénographie de Claire Belloc, costumes de Isabelle Pasquier, lumières de Stéphane Deschamps, maquillage de Audrey Million.

 

Avec Théo Askolovitch, Marco Caraffa, Steven Dagrou, Julien Despont, Inès Do Nascimento, Arthur Gomez, Lubin Labadie, Leïla Loyer, Jeanne Masson, Juliette Maurice, Fany Otalora, Tristan Pellegrino, Eugénie Pouillot, Soulaymane Rkiba et Hervé Van der Meulen.

 

Coproduction Le Studio d’Asnières et le Théâtre Montansier de Versailles, avec la participation artistique du Studio – Ecole Supérieure de Comédiens par l’Alternance.


 

 

 

Du mardi 25 au samedi 29 février à 20h30 au théâtre Montansier

 

13 rue des réservoirs, Versailles

01.39.20.16.00 www.theatremontansier.com

 

et

 

Du 10 au 29 mars au Studio d’Asnières, mardi, jeudi et samedi à 19h, mercredi et vendredi à 20h30, dimanche à 15h30

 

3, rue Edmond Fantin, Asnières-sur-Seine

01.47.90.95.33 www.studio-asnieres.com

 

 

 

 

Photo @ Miliana Bidault

Photo @ Miliana Bidault

Photo @ Miliana Bidault

Photo @ Miliana Bidault

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