La pièce « Un Contrat : western psychanalytique en deux actes et un épilogue », est la seule pièce de théâtre écrite à ce jour par Tonino Benacquista. Elle est créée en 1999. Écrivain et scénariste aux multiples récompenses et aux très nombreux succès, Benacquista se révèle ici un dramaturge accompli, rompu aux circonvolutions, aux rebonds et aux surprises de la chose théâtrale.
Le texte est un délice de dédales et de miroirs. Le récit captivant. Les dialogues ciselés et efficaces donnent des allures cinématographiques à ce huis clos implacable et haletant.
« Un psychanalyste reçoit un individu qui souffre de crises d'angoisse et se trouve pris au piège de révélations sur des affaires criminelles que nul n'est censé connaître… S'affrontent alors le secret professionnel de l'un et la loi du silence de l'autre… Quel contrat sera rempli : le contrat thérapeutique ou un autre ? »
L’ambiance tensionnelle s’installe dès la première scène. Entre la retenue conventionnelle du praticien qui écoute et invite le patient à la prise de parole, et la résistance feinte ou réelle de celui qui pense tout tenir entre ses mains mais qui sent la fragilité poindre dans son corps qui parle alors plus que ses mots, un jeu de chat-souris se dessine et se transforme peu à peu. La crainte de comprendre ce qui se joue, de part et d’autre, se meut en peur de l’admettre puis en terreur de l’affronter.
Les fondements habituels de la cure analytique se trouvent très adroitement convoqués à chaque virage du récit. Les personnages bien campés charrient leurs lots de tensions, de rapports de force, de césures et de sursauts. Richement dotés, impeccablement décrits, chacun d’eux nous saisit tour à tour, bousculant l’image que nous pensions tenir au départ de ces séances de psychanalyse.
Les problématiques de la personnalité mises en exergue par le texte, parsèment l’histoire d’intérêts savoureux, traités souvent avec l’humour noir de la résistance qui se lâche pour se dévoiler. Le combat entre « être soi-même » et l’être social de chacun ; l’estime de soi malmenée par le sentiment de compétences affaibli ; l’image de soi et son double inversé dans le regard de l’autre ; l’image sociale à préserver tant elle peut sauver… autant de facettes illustrant les affres traversées par le praticien et le patient au fil du récit et surtout de ses rebondissements.
Cette relation duelle particulière qui nous tient en haleine jusqu’à la conclusion est sans doute un des récits théâtraux les plus attractifs qui soient.
Les comédiens Olivier Douau et Patrick Seminor la vivent avec maîtrise, alternant fougue et effacement, doute et conviction, ruse et sincérité. La mise en scène sobre de Stanislas Rosemin centre notre attention sur le texte, les jeux parfois appuyés mais toujours crédibles. Une mise en scène soutenue par un jeu de lumières efficace de David Ripon.
Une pièce saisissante qui tient le public en haleine de bout en bout. Un spectacle vif et intéressant. Un Benacquista à ne surtout pas manquer.
Spectacle vu le 31 janvier 2020,
Frédéric Perez
De Tonino Benacquista. Mise en scène de Stanislas Rosemin. Lumière de David Ripon.
Avec Olivier Douau et Patrick Seminor.
Du jeudi au samedi à 20h30
38 boulevard de Bonne Nouvelle, Paris 10ème
01.42.46.79.79 www.theatredugymnase.paris