LES FOUS NE SONT PLUS CE QU’ILS ÉTAIENT au théâtre de Passy

Attention, il se passe quelque chose du côté de Passy ! Elliot Jenicot nous propose un spectacle très personnel à partir des textes du grand Devos, dans un nouvel écrin adorable et accueillant, le théâtre de Passy. Courez-y !

Quel spectacle haut en couleurs, en splendeurs et en émotions !

Un spectacle qui relève de la poétique comique, aux saveurs incomparables des joueurs de mots et des façonneurs de situations burlesques. Un spectacle où l’amusement est intelligent et le charme fou.

C’est drôle mais pas que. Élégant à souhait, étonnamment touchant (j’avoue que je me suis fait cueillir) et soigné à point. Un pur moment d'humour et de poésie heureuse, aux saillies seyantes et saillantes, et aux figures autant déjantées que gracieuses.

Qu’il est bon de se laisser prendre dans cette folie ambiante, douce et virevoltante à la fois, bordée d’intelligence langagière et de non-sens, baignée de situations cocasses. Une façon de labyrinthe joyeusement dingo et délicatement espiègle nous attend, jalonné à chaque virage d'un assaut de rire, à chaque détour d'une bouffée de sourires et à chaque arrêt d'un soupir apaisant où d’éclatants rires peuvent devenir fous.

Le très joli travail d’écriture et de composition, réalisé par Laurence Fabre et Elliot Jenicot, rebondit sur des extraits de textes de Devos. Un univers troublant et touchant est ainsi constitué suivant le fil narratif d’un artiste qui expose des bribes de son parcours, ses doutes et ses joies, ses peurs et ses plaisirs, ses rencontres et ses envies. Un univers fantastique où sur le ton de la confidence complice, le fou et le flou avancent ensemble, la fantaisie à leurs côtés. Un univers teinté d’un réalisme naturaliste truculent avec son nombre de personnages pittoresques. Un univers qui foisonne d’impromptus allègres joués, mimés ou dansés et de suspensions oniriques à la tendresse douce d’une mélancolie ténue. C’est surprenant et délicieux.

Ce spectacle réjouissant est placé sous le règne de l’absurde et de l’illusion. Un spectacle touchant au merveilleux, éclairé et délicat, allant bien au-delà de l’hommage au grand Devos qui ne rougirait sans doute pas de cette lignée magnifique. Les mots roulent et ricochent sur les phrases qui glissent en tourbillonnant et les images étonnantes charrient une émotion rieuse, nous conduisant tout près de là où la poésie du rire se marie avec la pensée.

La mise en scène de Laurence Fabre appose ici et là des temps de respiration par des ajouts figuratifs, des enchainements habiles entre les textes et surtout un rythme qui convient parfaitement à cet ensemble totalement habité par le comédien. Une somme de petits riens tous de belle facture et toujours savamment placés. Nous le savons, « Une fois rien, c'est rien ; deux fois rien, ce n'est pas beaucoup, mais pour trois fois rien… » n’est-ce pas ? C’est très bien vu et très bien fait.

Et que dire du jeu d’Elliot Jenicot ? Déjà deux mots : Virtuosité et excellence. Cet artiste a plus d’un tour dans son sac. Comédien (dont 8 ans pensionnaire de la Comédie-Française), mime, danseur... oui, de toute évidence, le music-hall est passé par là dès ses débuts. Cet artiste est un saltimbanque d’aujourd’hui. Pur jus et racé. Il semble savoir tout faire de sa voix, de son corps et de ses mouvements. Dans sa tête, je ne sais pas mais au vu de ce qu’il partage avec nous, je parierai volontiers que le cœur est gros comme ça. Les sensations sont légion, l’émotion est plurielle, le plaisir est grand.

Le public ne s’y trompe pas, la joie apparente tout le long est gorgée de rires, de regards souriants qui ne s’effacent pas si vite. C’est un petit bijou théâtral d'humour poétique, surprenant et délicieux. J'ai grand plaisir à recommander cet incontournable rendez-vous avec le remarquable Elliot Jenicot. À ne surtout pas manquer !

Spectacle vu le 25 novembre 2021

Frédéric Perez

Un spectacle d’Elliot Jenicot et Laurence Fabre d’après Raymond Devos. Mise en scène de Laurence Fabre. Lumières de Quentin Rigot, Scénographie de Éric Durringer, Costumes de Corine Vervondel.

Avec Elliot Jenicot.