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Un spectacle puissant et haletant, tout en tensions, que des moments bienvenus de pauses musicales et chantées viennent tempérer quelque peu. Un moment de théâtre détonant, vif et lumineux aux allures de réalisme marqué et de poésie trash.

La pièce de Fabrice Melquiot nous percute de plein fouet, terrible et captivante comme une fable au croisement du message, de la mémoire et de l’espérance.

« C’est l’histoire de huit enfants que les guerres de Yougoslavie ont rendu orphelins. Le temps du siège de Sarajevo, ils vont apprendre à (sur)vivre ensemble, au-delà de toutes considérations ethniques et religieuses. Ils constituent alors une sorte de « meute » plurielle, avec son chef, ses aspirants, ses rivalités, ses complicités et ses rêves. Mais voilà, le conflit touche à sa fin et ces jeunes devenus adolescents soudés vont devoir apprendre à vivre sans la guerre… »

Entre l’horreur de la guerre qui s’est abattue sur ces jeunes, ces enfants devenus orphelins, livrés à la résistance de leur survie et les meurtrissures de leur souffrance, que va-t-il rester de force pour construire leurs « au-delà » ?

Cette solidarité improvisée qui les relie et leur permet de tenir debout sera-t-elle salvatrice et pourra-t-elle les conduire vers d’autres lendemains ?

Où et comment trouveront-ils l’énergie et l’apaisement nécessaires à la résilience ?

Le texte file son propos dans une langue piquante, enrichie de velours et de fer, cueillant le spectateur, pris et surpris par ce qui est dit, montré et ressenti. Melquiot construit ici une dramaturgie incisive qui fait se côtoyer et conjuguer de nombreux fils narratifs, multipliant les sensations et les émotions déclenchées. Les flashbacks, les didascalies dites comme des annonces, la musique électro qui remplit la violence de couleurs agitées et les chants à pleine voix ou murmurés presque ânonnés se mêlent au récit, créant une atmosphère particulière, entre réalisme cru et rêves éveillés. 

La mise en scène de François Ha Van regorge d’attentions diverses et apporte aux variations de ces histoires de vie et à ses formes différenciées, une puissance de restitution et une délicatesse entremêlées. Le dire prend alors les atours d’une énonciation à la fois directe et distanciée. Une impression floutée enveloppe les regards et l’écoute sans jamais réduire les éclats explosifs de la pièce.

L’interprétation par cette jeune troupe est remarquable. Nathan Duguay, Montaine Fregeai, Axel Godard, Yann Guchereau, Hoël Le Corre, Sylvain LeFerrec, Lara Melchiori et Manon Préterre nous ravissent dans tous les sens du terme et nous transportent dans leurs flots permanents, tout en sensibilité et avec une fougue d’une profonde et crédible sincérité. Elles et ils servent le texte avec évidence et fluidité, par des jeux naturalistes qui se meuvent par moments dans de troublantes situations oniriques. Un travail d’interprétation impressionnant.

Du théâtre prégnant et cinglant où la raison et l’émotion cheminent tout le long.

Un spectacle qui nous tient les épaules et nous secoue en criant « C'est ça la guerre ! Tu as vu ? » puis se rapproche et nous enlace pour nous rassurer, nous protéger et nous consoler peut-être de ces peurs brutales et bouillonnantes que nous avons fait nôtres.

Un spectacle comme une tempête qui surgit, un coup au cœur. Mais un coup de cœur aussi tant cette surprenante et saisissante « fiction-témoignage » est réussie. À découvrir toute affaire cessante !

 

Spectacle vu le 26 février 2022

Frédéric Perez

 

De Fabrice Melquiot. Mise en scène de François Ha Van.

Avec Nathan Duguay, Montaine Fregeai, Axel Godard, Yann Guchereau, Hoël Le Corre, Sylvain LeFerrec, Lara Melchiori et Manon Préterre.

 

 

Du jeudi au samedi à 21h00 et le dimanche à 14h30

78 bis boulevard des Batignolles, Paris 17ème

01.42.93.13.04  www.studiohebertot.com

 

Photo © DR

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