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Le texte puissant et incisif de David Hare, écrit en 1995, nous plonge dans une histoire d’amour impossible, interrompue ou inachevée peut-être, cruelle et brutale de ses douleurs transportées assurément. Un magnifique récit sur fond de réalité sociale qui chahute les valeurs de l’intime et du réel, les soulevant haut jusqu’à ce qu’elles s’envolent et retombent inlassablement sur les personnages, ne nous épargnant pas au passage.

« Tom, père de famille et homme d’affaires, cinquantaine à Rolex, belle ascension sociale, a un fils, Edward jeune adulescent, qui ne le supporte plus. Kyra, jeune professeure idéaliste, vit dans la banlieue nord de Londres, enseigne à des gamins dans les quartiers laissés pour compte. Ces deux adultes se sont aimés, puis séparés. Ils se retrouvent et ils s’affrontent, le temps d’une nuit. Combat de fauves, ils argumentent, entrechoquent leurs certitudes et leurs convictions. La réussite de l’un, l’engagement de l’autre. Une lutte, vive et enflammée qui explose sous le regard du fils qui ne sait plus où se mettre. »

Le sentiment de soi prévaut-il à la reconnaissance à l’autre ? La réussite sociale et l’attachement amoureux peuvent-ils faire bon ménage ? « Courir tellement qu’on ne voit pas qu’on fuit. » Reste-t-il de la place pour l’équilibre des relations affectives dans cet échange de don et de dette entre soi et l’autre ? Reste-t-il de la place pour le besoin d’amour ? Se dévouer à une cause, est-ce oublier la sienne ? « Il n'y a pas de paix en toi. Je le sais. » Et surtout, faut-il partir pour cacher sa peine ?

Les trois comédiens, Patrick Catalifo, Sacha Ribeiro et Marie Vialle, éblouissants d’un engagement tout en force et en finesse entremêlées, nous tiennent en haleine. Elle et Ils réussissent à composer leurs personnages en construisant et détruisant devant nous un puzzle aux mille morceaux des miroirs brisés de ces trois vies dont les reflets nous regardent, nous parlent et nous touchent tant ils nous concernent et nous reflètent aussi.

La mise en scène de Claudia Stavisky colore en force la ciselure décapante et sans concession du texte. Les scènes sont réalistes rendues parfois brutales et crues. Les répliques regorgent d’une expressivité arrachée aux sentiments et ressentiments des personnages que les trois interprètes servent avec des jeux sensibles et incarnés, à la simplicité déroutante de l’évidence tant dans les moments ténus que dans ceux plus exposés voire explosifs. C’est brillant et prégnant.

Un spectacle captivant et réflexif, vrai et proche. Aujourd’hui toujours vibrant d’actualité par le contexte de son récit et les thèmes abordés. Du théâtre social comme on aime, mis en vie et joué avec brio. Je recommande vivement.

Spectacle vu le 11 mai 2022

Frédéric Perez

 

De David Hare. Traduction : Dominique Hollier. Mise en scène : Claudia Stavisky. Scénographie et costumes : Barbara Kraft. Lumière : Franck Thévenon. Son : Jean-Louis Imbert. Assistant à la mise en scène : Alexandre Paradis. Construction décor : Artom Atelier.

Avec : Patrick Catalifo, Sacha Ribeiro et Marie Vialle.

 

 

Du mercredi 11 au samedi 14 mai à 20h30. Du mercredi 18 au samedi 29 mai à 21h00. Le dimanche à 15h00 (relâche le 26 mai)

2 bis avenue Franklin Roosevelt, Paris 8ème

01.44.95.98.00  www.theatredurondpoint.fr

 

Photo © Simon Gosselin

Photo © Simon Gosselin

Photo © Simon Gosselin

Photo © Simon Gosselin

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