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(Photo © DR)

Relations filiales explosives, comptes à régler... Cette pièce traite de l’aridité du différentiel corrompu par le temps qui passe, qui a passé, entre une fille et son père, entre une fille et son enfance.

Le temps de l’adulte venu, que peut-elle opposer au temps de l’enfant face à cette figure du père qui resurgit soudainement ?

« Un père débarque chez sa fille. Ils ne se sont pas vus depuis la mort de la mère, il y a plus de dix ans. Elle l’accueille froidement, refuse de lui offrir à manger. Ils se mettent à boire. Ils boiront ainsi jusqu’au matin. Les heures s’égrènent. Les bouteilles vides s’amoncellent. De temps en temps, Ric, l’ami de la fille, se joint à eux puis repart, les laissant de nouveau seuls face à face. Le père dira, entre autres choses, à la fille, qu’il est gravement malade et qu’il est venu lui demander de l’aider à mourir… Au cours de la nuit, ils vont ainsi, tous les trois, régler leurs comptes d’amour et de haine, jusqu’à ce que, au petit matin, chacun prenne la décision qui modifiera le cours de sa vie. »

C’est dans une narration intrusive, directe et violente, placée sous haute tension, que cette histoire de vies nous est donnée à voir, à observer même, pour la comprendre comme si ces bribes de mémoire pouvaient venir faire écho aux nôtres. Cette approche peu commune des relations père-fille après dix ans de silence nous interpelle et nous saisit par sa singularité.

L'autrice Carole Thibaut construit une mise en scène quadrifrontale, minorant voire effaçant le quatrième mur. Ce filtre envolé, la proximité devient impliquante. Les scènes deviennent des instants vraisemblables qui s’emparent de notre regard et de notre écoute, nous montrent crûment et quasi cruellement la véracité de ces relations complexes, de ces choix difficiles qu’il faudra bien faire. Un récit passionnant qui nous percute.

L’interprétation est réaliste et volontariste. Avec une puissance de jeu troublante tant elle est vraie. Olivier Perrier et Carole Thibaut (aujourd'hui) mènent la joute entre le père et la fille avec une incroyable densité et une sensibilité ténue faisant ressortir toute la complexité de cette relation, la rendant captivante. Jacques Descorde campe avec justesse le compagnon de la fille, temporisant le duel en le valorisant de son contre-point serein et stable. C’est bien fait tant c'est bien joué. Nous sommes pris par cette histoire qui rebondit et nous tient en haleine jusqu'à la fin.

Un spectacle prégnant, mis en vie avec force et superbement joué. Carole Thibaut nous transporte à nouveau dans son théâtre avec une redoutable efficacité, pour notre plus grand plaisir de découverte.

Spectacle vu le 17 juillet 2022

Frédéric Perez

 

Texte et mise en scène de Carole Thibaut. Scénographie de Camille Allain-Dulondel. Création lumières de Julien Dubuc. Création sonore de Margaux Robin. Design sonore de Karine Dumont et Pascal Gelmi. Costumes de Gwladys Duthil.

Avec Olivier Perrier, Jacques Descorde, Carole Thibaut en alternance avec Valérie Schwarcz.

 

Jusqu’au 26 juillet à 17h30

(relâche le 20)

 

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