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Un spectacle fort, à l’image de son texte originel adapté et mis en scène par Nicolas Briançon qui fait ressortir toute la cruauté et la charnalité de la confrontation entre le bien et le mal que Célestine nous montre. Célestine, femme de chambre parmi d’autres, magnifiquement interprétée par Lisa Martino avec chaleur, sensualité et conviction, qui en dévoilant son récit de vie soulève pour les dénoncer les réalités putrides de la bourgeoisie et de la domesticité, les hauts et bas-fonds du début du 20ème siècle.

Octave Mirbeau écrit ce brulot aux allures de nausée sociale comme un exutoire de sa révolte. Son style alerte et caustique rend plus accessible la leçon. C’est sans doute pour cela que de nombreuses adaptations cinématographiques et théâtrales se sont succédé dans le monde entier, comme pour faire écho à l’universalité du combat éthique pour la liberté et contre l’exploitation de la misère humaine et notamment des femmes. La verve rageuse de cet intellectuel libertaire se retrouve dans son texte dont le style permet de faire savoir et d'accuser, avec des descriptions et des narrations percutantes, l’esclavage moderne de la condition domestique des « petites gens ».

Célestine, devenue femme de chambre pour échapper à une enfance maltraitée et une jeunesse soumisse, se retrouve dans un monde où la vie ne se conjugue pas avec le bonheur, où il lui faut encore se soumettre, courber l’échine, donner son corps sans son cœur et son cœur sans retour. Certes, elle trouvera une sorte d’apaisement de son combat pour la liberté dans une fin de vie qui, malgré son dégout, la conduira à inverser les rôles. Un recommencement implacable de la tragédie humaine dépeinte par Mirbeau.

Nicolas Briançon s’empare de ce texte avec une volonté de décrire les protagonistes du roman dans un jeu de massacre d’une humanité interpersonnelle exsangue de droits. L’obscénité des sentiments et l’avidité de revanche se fondent dans la dualité entre la pulsion de mort et la pulsion de vie parfaitement rendues par le jeu, rebondissant d’espiègleries caustiques et de descriptions cyniques.

De la peur à la rage, de l’amour à la haine, du manque de tout à l’amas de plus et d’encore, Briançon montre une Célestine cherchant avec acharnement les plaisirs qui lui ont manqué dans une quête incessante de satisfaction du désir d’affection. Les frontières entre le bien et le mal sont ténues dans les propos distillés et les actions énoncées. Lisa Martino maitrise cette interprétation avec brio. Le corps joue autant que la parole dit, les yeux parlent, les regards fulminent ou se font complices et séducteurs.

Une adaptation volontariste et sans concession, légère autant que noire. Une interprétation à la puissance de jeu remarquable.

 

Spectacle vu le 11 octobre 2022

Frédéric Perez

 

De Octave Mirbeau. Adaptation et mise en scène de Nicolas Briançon assistée pour la mise en scène par Elena Terenteva. Décor de Bastien Forestier. Costumes de Michel Dussarat. Vidéo de Olivier Simola. Lumières de Jean-Pascal Pracht.

Avec Lisa Martino.

 

 

Du mardi au samedi à 21h00

23 rue de la Huchette, Paris 5ème

01.43.26.38.99  www.theatre-huchette.com

 

Photo © Fabienne Rappeneau

Photo © Fabienne Rappeneau

Photo © Fabienne Rappeneau

Photo © Fabienne Rappeneau

Photo © Fabienne Rappeneau

Photo © Fabienne Rappeneau

Photo © Francois Fonty

Photo © Francois Fonty

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