Un spectacle musical plein d’humour, qui rejoint les moments de théâtre immersif et intrusif où la participation du public est un ingrédient de la réussite. Du spectateur au « spectacteur », nous devenons les « speclaqueurs » illustrant par la démonstration de la preuve l’importance de la Claque au théâtre, aujourd’hui disparue.
« 1895 dans un théâtre parisien. Auguste Levasseur, chef de claque, dirige une troupe de complices, qui, mêlés au public, sont chargés d’applaudir aux moments opportuns. Une pièce applaudie est une pièce à succès, or, à deux heures d’une grande première, Auguste est abandonné par sa claque. Il charge alors Fauvette, musicienne de l’orchestre, et Dugommier, régisseur du théâtre, de trouver des remplaçants pour sauver la représentation du soir. »
C’est dans une ambiance chaleureuse et hilarante, où la drôlerie se fait savante et efficace, que le plaisir de partage se répand avec évidence dès le début et perdure tout le long. Des virages foldingues aux scènes totalement déjantées, le récit tourneboule, dérape et ricoche pour filer son chemin. Le public joue volontiers le jeu, les rires fusent tout le long dans une forme de joie bon enfant.
Le propos n'est pas innocent. Son regard sur cet aspect particulier et tonique du théâtre éclaire le lien entre le plateau et la salle.
Derrière nos sourires, nos nombreux rires et nos interventions, le spectacle nous interpelle sur ce type d’exclamation populaire, intentionnelle et maitrisée qui n’est pas sans nous rappeler les changements historiques et symptomatiques à l’œuvre dans la pratique du spectateur d’hier à aujourd’hui.
La Claque, cette antique institution remise en vogue à la fin du 18ème siècle par des ligues d’escrocs qui monnayaient le calme ou le chahut auprès des troupes, puis par les directions des théâtres publics et privés au début du 19ème siècle qui allèrent jusqu’à l’opérationnaliser pour s’assurer du succès, s’éteint progressivement pour ne plus exister officiellement dès l’avènement du 20ème siècle.
Si la Claque fut mais ne demeura point, elle reste le signe d’une transformation de la composition du public, de la qualité et des formes de sa présence pendant les représentations, de son assagissement sans doute, venue remplacer les tumultes et les comportements des participants, que beaucoup ont comparé à l’Agora. L’Agora qui hier soir a de nouveau illustré quelque peu et sans dommage, cette fonction sociale de l'appropriation de l'espace public au théâtre où la représentation n'est pas que sur les planches.
Mais revenons au spectacle. Sa légèreté apparente le rend divertissant avant tout. L’écriture et la mise en scène de Fred Radix, sa musique aussi, offre un moment de théâtre musical intelligent et drôle. Calée au cordeau, la mise en vie est agréable et fluide.
Les artistes au plateau nous ravissent et s’amusent autant que nous. Guillaume Collignon, Alice Noureux et Fred Radix brillent de leur talent dans un enthousiasme communicatif qui dépote. Les jeux sont dirigées avec la précision et l’efficacité qui conviennent par Christophe Gendreau. Les costumes seyants de Delphine Desnus participent à la beauté et la qualité artistique de l’ensemble.
Ce spectacle est non seulement bien pensé et documenté mais aussi bien façonné. La curiosité du public est conjuguée avec une complicité assumée. Des jeux de comédie aux chants et aux parties instrumentales en passant par les situations participatives, le public se plait et se repait de cette originale proposition. Un fichu bon moment singulier et drôle. Courez-y, ça claque vraiment (évidemment) !
Spectacle vu le 1 novembre 2022
Frédéric Perez
Ecriture, mise en scène et musique de Fred Radix. Direction d’acteurs de Christophe Gendreau. Costumes de Delphine Desnus.
Avec Guillaume Collignon, Alice Noureux et Fred Radix.
Un lundi sur deux à 20h30, les mardis à 20h30
et les dimanches à 20h00
26 rue de la Gaîté, Paris 14ème
01.43.20.60.56 www.gaite.com