Un divertissement agréable et sympathique dont la forme prévaut sur le fond jusqu’à faire apparaitre les messages secondaires, comme autant de prétextes banals pour un spectacle avant tout visuel et musical.
Surfant sur les idéaux actuels en vogue et en débat, cette comédie musicale interprétée avec maestria n’hésite pas à rebondir sur les poncifs et les images récurrentes véhiculées par les pensées de controverse contemporaines : Désastre de l’écologie maltraitée ; abus de pouvoir ; outrances de l’argent-roi ; drames de l’affect. Le tout aspergé de ridicule convoqué par l’absurde à moins que cela ne soit le contraire.
Un fil narratif complexe qui s’étire et s’allonge pour un fil idéologique simple voire simplet mais qui laisse toute la place à de très belles parties musicales, chantées, chorégraphiées et jouées avec justesse, engagement et fougue par une troupe toute en verve et en harmonie.
Le résumé nous dit plus que le spectacle nous montre :
« Sitôt sortis d’une représentation de L’Orontea, opéra du compositeur Antonio Cesti, les spectateurs éprouvent une sensation étrange. Mus par une impulsion mystérieuse, ils reconsidèrent entièrement leur vie sentimentale et voient tout ce qui touche à leur existence à travers le prisme de l’amour. Ce bouleversement, aux retentissements absurdes ou inquiétants, provoque des effets incontrôlables et vient perturber les activités politiques ou financières dans lesquelles certains des personnages sont engagés. »
Entre les mains de David Lescot (auteur, compositeur et metteur en scène), les propos deviennent enchanteurs et voués semble-t-il à un amusement délibéré et envoutant comme le sont ces histoires de passion teintées de sorcellerie par emprise et de merveilleux dans leur récit. Son théâtre visuel et musical est fait de légèreté malgré la complexité de surface qui cache, nous l’avons dit, une simplicité de dessous.
Les messages implicites le sont vraiment beaucoup. La rationalité limitée selon le principe de l’amour qui ignore la loi, propre à l’argument original de la « dramma musicale » devenue une comédie romantique populaire au 17ème siècle, est ici plus évoquée que traitée. La dimension passionnelle qui dépasse l’entendement, tripale et bouillonnante, jusqu’à transformer le geste et la pensée en instincts de plaisir, bannissant le raisonnement, le réalisme et son matérialisme, devient le ressort en filigrane des troubles traversés par les personnages.
À noter les nombreuses répétitions d’éléments scénographiques (les tables à roulettes qui rentrent et sortent trente mille fois ou les quinze mille six cent cinquante sept marches au pas sur tempo musical qui font passer les artistes sur le plateau de cour à jardin et inversement) qui finissent par se remarquer et alors lassent hélas. La musique est omni présente et particulièrement intéressante, les partitions enjouées et rythmées à souhait utilisent des lignes mélodiques semblables qui deviennent repérables avant qu’elles ne soient exposées totalement, une même ambiance pour un même univers.
La distribution excelle et interprète avec ardeur cette charmante comédie musicale. Une troupe formidable qui donne à elle seule toute la valeur à ce spectacle dont l’esthétique formelle est admirable.
Spectacle vu le 14 janvier 2023
Frédéric Perez
Texte, mise en scène et musique de David Lescot Chorégraphie de Glysleïn Lefever assistée de Rafaël Linares Torres. Direction musicale de Anthony Capelli. Scénographie de Alwyne de Dardel assistée d’Inês Mota. Costumes de Mariane Delayre. Lumières de Matthieu Durbec. Son de Alex Borgia. Régie générale de Pierre-Yves Le Borgne.
Avec Candice Bouchet, Elise Caron, Pauline Collin, Ludmilla Dabo, Marie Desgranges, Matthias Girbig, Alix Kuentz, Emma Liégeois, Yannick Morzelle, Antoine Sarrazin, Jacques Verzier.
Anthony Capelli : batterie. Fabien Moryoussef : claviers. Philippe Thibault : basse. Ronan Yvon : guitare.
Jusqu’au 27 janvier
Du mardi au samedi à 20h et le dimanche à 15h
1 avenue Gabriel, Paris 8ème
01.42.74.22.77 www.theatredelaville-paris.com