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Le texte est composé des deux versions de la pièce de Jean Cocteau. Le monologue théâtral en un acte et les paroles des chansons écrites en parallèle. La facture originelle ne présente aujourd’hui que l’intérêt historique de témoigner de la passion meurtrie d’une femme dans les années 50, soumise et rebelle, prisonnière enferrée à son désir d’amour. Un texte qui résonnerait alors en revêtant le charme désuet d’antan, fleurant les parfums d’un passé qui ne se calque pas aisément au présent.

Ce serait sans compter sur le parti pris délibérément libérateur et novateur de Christophe Perton qui dans son adaptation fait exploser les limites du drame premier et explore avec fougue et couleurs cette histoire de femme, en transposant l’argument sous les cieux contemporains, dans un spectacle musical aux accents pop-rock revendiqués et bienvenus.

« Ce soir-là, en tournée de concerts, elle rentre aussitôt dans sa chambre d’hôtel et attend ce jeune homme auprès duquel elle espère tant pouvoir se blottir, et se sentir protégée. Mais quand finalement il la rejoint et refuse de lui parler, elle, lucide, décide d’affronter la vérité et de laisser son cœur se déverser. »

Des sensations multiples nous assaillent par vagues tout le long dans cette proposition singulière, audacieuse et attractive. Dès la première scène, formidable scène d’exposition traitée dans une alternance d’images filmées et de présences sur le plateau, le ton est donné. Nous allons vivre la narration dans un univers extrapolé. Le parcours que cette femme sera bouillant de tensions et d’éclats ou ne sera pas. Tout faire pour tenter de sortir de ce piège avant qu’il ne se referme tout à fait.

La mise en scène et la scénographie de Christophe Perton élaborent un imaginaire de prison dorée dans lequel se dessine l’intrigue. L’esthétique d’ensemble cohérente et efficace fait ressortir la beauté aux atours lyriques mais sans emphase de ce drame musical au ton naturaliste revêtant des contours surréalistes aux touches oniriques cauchemardesques. L’utilisation de la musique, de l’image, de la danse et du chant dans et autour du récit parlé constituent des éléments dramaturgiques apportant une diversité et une puissance manifeste et osée aux énonciations.

La partition musicale de Maurice Marius et Emmanuel Jessua, jouée en direct par les compositeurs entourés de Jonathan Maurois, Pierre Rettien et Charles Villanueva, donne un tonus éclatant et des reflets de concert live à la narration.

Les vidéos de Baptiste Klein nous enveloppent dans une ambiance combinée de paysages réalistes, d’horizons vaporeux ou de peintures doucereuses et évanescentes aux aspects psychédéliques.

Les séquences dansées, furtives ou prolongées, de Tristan Sagon auquel s’ajoute par moments Romane Bohringer contribuent au velours et à l’envoutement de la narration en sublimant par le corps ce que les mots ne disent pas dans les registres de la violence de l’homme et de la sensualité érotisée du couple.

Les chansons renforcent la profondeur de l’abîme ressentie par cette femme et ses velléités d’émancipation.

Et puis il y a l’interprétation de la femme, le jeu habité de Romane Bohringer. Romane Bohringer nous éblouit véritablement, passant avec fluidité et fulgurance de la fragilité éprouvée par son personnage dans ce tunnel mortifère de souffrances, à la force resplendissante dont elle s’empare pour de s’en extraire, dans des nuances de composition remarquables.

Un spectacle prégnant. Une version innovante et convaincante du texte de Cocteau. Un plaisir de théâtre musical à ne pas manquer pour se laisser prendre et embarquer dans ce récit fort et lumineux magnifiquement interprété.

 

Spectacle vu le 15 octobre 2023

Frédéric Perez

 

De Jean Cocteau. Adaptation, mise en scène et scénographie Christophe Perton. Composition musicale originale Maurice Marius et Emmanuel Jessua. Collaborateur artistique et 1er assistant Maurice Marius. Vidéaste Baptiste Klein. Créateur lumières Jean-Pierre Michel. Répétiteur de chant Mark Marian. Chorégraphe Glyslein Lefever. Costumes Christophe Perton et Céline Guignard-Rajot. Assistante chorégraphe et mise en scène Victoria Rose Roy. Assistante costumes Lucie Guillemet. Assistant vidéo et captation Léolo Pujebet. Régie générale Pablo Simonet. Régie son Geoffrey Bonnifet. Construction décors ARTOM – Atelier.

Avec Romane Bohringer et Tristan Sagon. Et les musiciens Emmanuel Jessua, Maurice Marius, Jonathan Maurois, Pierre Rettien et Charles Villanueva.


 

 

Du mardi au samedi à 21h et le dimanche à 17h

Place Charles Dullin, Paris 18ème

01 46 06 49 24 www.theatre-atelier.com

 

Photos © Ludo Leleu
Photos © Ludo Leleu
Photos © Ludo Leleu
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