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Lorsque la fiction rencontre comme ici l'histoire, elles se colorent toutes les deux d'une volonté farouche de transmettre.
« En 1993, dans un bunker perdu dans une forêt Suisse, François Genoud, le détenteur des droits d’auteur d’Hitler et Goebbels vit ses dernières heures. Toute sa vie le banquier des nazis a échappé à la justice et aux remords. Pour son dernier baroud d’honneur, il reçoit une jeune journaliste d’un quotidien israélien. Mais pourquoi elle ? Que cherche-t-il ? Cette interview sera son testament pour l’histoire, un dernier pied de nez à l’humanité. Mais la jeune femme qui se tient en face de lui est bien décidée à ne pas rendre la fin de vie de François Genoud aussi facile qu’il avait imaginé. »
Le récit rapporte des faits mémoriels charriant une vérité documentée, dans une invention romancée pleine de rebondissements. La narration installe l'émotion dont l'intensité développe des impressions multiples, de la rage à la pitié en passant par la colère. Les auteurs Alexandre Amiel, Yaël Berdugo, Jean-Philippe Daguerre et Alexis Kebbas, signent une pièce instruite et prégnante faisant adroitement son office de témoignage dans un impressionnant moment de théâtre.
La mise en scène de Julien Sibre assisté par Valérie Alane, dans un décor clinique qui se fait austère de Camille Duchemin, centre l’attention sur les propos échangés, sans ajouter de mouvements ou de postures autres que nécessaires au déroulement du texte. Toute la place est laissée aux deux comédiens pour s'emparer des propos de la pièce, les habiter et nous entreprendre.
Jacques Weber incarne avec maestria un François Genoud monstrueux de son passé légendaire, sanguinaire et impuni. Weber nous impressionne, ce qui n'étonnera personne, il développe un nuancier de jeux pour nous ballotter de scène en scène parmi des sensations diverses face à ce personnage-type, du rejet absolu à la pitié effleurée, jusqu'à nous surprendre encore par des propos infâmes ou nous décrocher au passage un sourire crispé de compassion. Sa puissance de jeu est telle qu'il nous oblige à le suivre pas à pas, mot à mot, pour ne rien manquer de son incarnation dont les volutes et les évolutions courent tout le long. Dès la première scène (silencieuse et implacable), nous sommes saisis, il ne nous lâchera pas. Le personnage de la jeune journaliste campé par Élodie Navarre apporte un contrepoint d'humanité devant l'assurance effrontée et glaçante de ce nazi satisfait.
La réflexion nécessaire qui s'installe et se nourrit peu à peu s’accompagne des nombreuses sensations qui se dégagent de cette fiction-témoignage, duo-duel aux allures de thriller. Du théâtre d’acteurs intense et captivant.
Spectacle vu le 28 janvier 2025
Frédéric Perez
De Alexandre Amiel, Yaël Berdugo, Jean-Philippe Daguerre et Alexis Kebbas. Mise en scène de Julien Sibre assisté de Valérie Alane. Décors de Camille Duchemin. Accessoires de Capucine Grou-Radenez. Costumes de Vanessa Coquet. Lumières de Jean-François Domingues. Musiques de Jérôme Hédin.
Avec Élodie Navarre et Jacques Weber.