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Confondant, incongru et déraillé, ce drôle de spectacle drôle étonne et ravit tout le long. Nous sommes ballotés sans cesse du burlesque à la poésie du désespoir, sur un fil narratif qui tisse finement les solitudes et les frustrations. Et les révoltes aussi.

« Des employé·e·s d’un magasin d’ameublement trompent leur mélancolie. Ils et elles s’inventent parfois d’autres vies que les leurs dans les petits espaces de démonstration, parce qu’il faut bien échapper à la torpeur sourde, aux réfrigérateurs encastrables et à la fin du monde. Leurs rêveries nous invitent à entrer en conversation avec une lampe, tandis que deux plantes vertes prennent leur pause cigarette en évoquant les problématiques liées à la sylviculture. »

Il y a comme une gêne au commencement de ce spectacle. Avant que cela ne déjante peu à peu puis pleinement, nous nous demandons ce qui arrive. Pourquoi sont-ils si hésitants, parfois maladroits, toujours empêtrés, comme sur leur réserve. Alors on rit bien sûr, jaune assurément. Puis on comprend sans y croire, puis on y croit vraiment. Et on rit mais pas que, surpris et ravis. Nous voici dans l’univers merveilleux du dégagement du réel. Une sorte de pas de côté. Comme devant un miroir filtrant de la réalité. Là où s’accommodent la dénonciation sociale et la dérision de l’intime, avec une forme démonstrative d'élégance délicate et souvent rieuse.

La mélancolie qui se dégage du récit entonne un chant trouble et troublant qui illustre combien et comment des êtres perdus sur leurs chemins tentent de se sauver eux-mêmes en se sublimant dans leurs fantasmes entremêlés de rêves. Les personnages nous font partager leurs multiples et inattendus voyages dans la féérie heureuse d'instants volés, souvent baignés de la tristesse sordide du renoncement ou de la déception.

La mise en vie quasi clinique et ultra précise de cette épopée folle, par l’autrice et metteuse en scène Maïanne Barthès, traverse nombre de questions personnelles et communes. Des relations interpersonnelles au travail et des rapports avec la hiérarchie à l’éco-anxiété et la consommation, en passant par le désir, la quête de reconnaissance et d’estime de soi. Questions posées de-ci de-là, par les mots qui piquent ou caressent, par les images qui surprennent, par les mouvements et les déplacements millimétrés, ou bien encore par les sons augmentés et la musique. Ça fuse de partout mais sans jamais souligner, comme pour nous laisser faire le chemin de l’appropriation et de la réflexion par nous-même.

Les scènes dantesques, les moments d’intimité crue ou prude, comme les moments où la parole gronde ou les séquences suspendues nous font attendre leur chute, composent un patchwork magnifique de narrations et de tableaux vivants dont s’emparent avec aisance et fluidité les comédiennes et comédiens Odile Ernoult, Cécile Maidon, Slimane Majdi, Guillaume Mittonneau, Baptiste Relat et Cécilia Steiner. Leurs jeux intenses et justes, toujours limpides, nous cueillent d’entrée et ne nous lâchent pas. Un fichu beau travail.

Un spectacle surprenant, intelligent et drôle. Une superbe troupe à l’œuvre. Je recommande vivement cette découverte.

 

 Spectacle vu le 7 janvier 2025

Frédéric Perez

 

Texte et mise en scène Maïanne Barthès. Collaboration artistique Estelle Olivier. Scénographie Camille Allain-Dulondel. Costumes Françoise Léger. Création sonore Clément Rousseaux. Création lumière Aurélien Guettard. Régie générale Nicolas Hénault. Musique Alain Féral.

Avec Odile Ernoult, Cécile Maidon, Slimane Majdi, Guillaume Mittonneau, Baptiste Relat et Cécilia Steiner.

 

Photos © Jean-Louis Fernandez
Photos © Jean-Louis Fernandez
Photos © Jean-Louis Fernandez
Photos © Jean-Louis Fernandez
Photos © Jean-Louis Fernandez
Photos © Jean-Louis Fernandez
Photos © Jean-Louis Fernandez

Photos © Jean-Louis Fernandez

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