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Pièce mythique de Tennessee Williams, cette histoire troublante et touchante, tourmentée par la cynique solitude de malheurs partagés, se révèle une nouvelle fois poignante, et ici revêtue expressément des atours du comique involontaire que l’ironie suggère à de nombreuses reprises dans la composition contextuelle de l’argument, la description et la parole des personnages.

« Amanda Wingfield élève seule ses deux grands enfants, Tom et Laura. Elle est dépassée par l’éducation de ses enfants, connaît des difficultés financières et une sorte de crise existentielle. Tom travaille dans un magasin de chaussures pour entretenir la famille. Laura, elle fait semblant d’aller à un cours de dactylo mais erre toute la journée dans la ville. À la maison, elle se réfugie dans sa chambre où elle collectionne des animaux en verre taillé. Jim est un collègue de Tom et se trouve être un garçon pour lequel Laura vouait une passion quand elle était plus jeune. Amanda invite ce Jim à dîner dans l’espoir de le rendre amoureux de sa fille. Mais rien ne se passe comme prévu »

Écrite en 1944, cette première pièce de Tennessee Williams, qui s’est appuyé sur des éléments autobiographiques pour composer les personnages, inscrit la trame de l’histoire dans une représentation de la société américaine et puise ses ressorts dans la mémoire collective issue de la crise de 1929. Williams excelle dans la représentation mélodramatique du réel. Son écriture naturaliste et le réalisme psychologique qu’il emprunte à l’observation de son environnement crée des étincelles de vérité qui traversent tout son théâtre en général.

Dans la famille Wingfield, la déchéance sociale et les saccages affectifs liés à un mariage brisé fondent les meurtrissures des personnages et leurs ébats de survie. Le spectacle l’expose adroitement.

Philippe Person choisit dans la mise en scène et la direction de jeux une narration directe où la crudité du premier degré renforce la drôlerie cynique des situations. Ce choix montre avec une légèreté d’apparence toute l'humanité que transporte le texte, la folie souterraine des personnages, qui éclate souvent, et la nostalgie aux allures mélodramatiques qui traverse le récit tout le long.

Malgré la narration de souvenirs qui structure la dramaturgie de l’histoire, le décalage entre la mémoire et le vivant est soigneusement installé par la scénographie et l’interprétation des rôles. L’impression intrusive d’être parmi les personnages est flagrante et suscite un intérêt complice. Leur expressivité juste et sincère nous touche et nous amuse.

Si aucun réalisme pur ne se distingue dans la représentation de la pièce, ce qui d’ailleurs est indiqué par l’auteur lui-même qui précise que « la pièce se passe dans la mémoire et n'est donc pas réaliste », nous sommes bien embarqués dans un vraissemblance assortie des touches d’ironie colorant la peinture des personnages.

Les comédiens Florence le Corre, Alice Serfati, Blaise Jouhannaud et Antoine Maabed servent le texte avec une fougue efficace qui sait se faire délicate quand il le faut. L’interprétation montre une enthousiaste agitation et une sensibilité palpable, poussant loin les aspects tourmentés des protagonistes emprisonnés dans l’intimité dérangée de ce carcan familial étouffant.

Une pièce majeure. Une mise en scène originale. Une interprétation convaincante. Un spectacle agréable.

 

Spectacle vu le 26 mars 2025

Frédéric Perez

 

De Tennessee Williams. Traduction Isabelle Famchon. Mise en scène Philippe Person. Lumières et vidéo Tom Bouchardon.

Avec Florence le Corre, Alice Serfati, Blaise Jouhannaud et Antoine Maabed.

 

Photos © DR
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