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Un soir suspendu au Théâtre de Passy. Un plaisir intense, émouvant et merveilleux de revoir et entendre à nouveau, en découvrant des chansons de son nouvel album Un soir entre mille, celle qui a jalonné nombre de mes souvenirs musicaux parmi les plus beaux, les mélancoliques comme les lumineux, tout à coup présents encore.
C’est dans l’écrin feutré du Théâtre de Passy que Marie-Paule Belle nous a donné rendez-vous, avec son élégance singulière qui traverse les décennies sans jamais faiblir. Son nouveau récital, Belle et Barbara, n’est pas un simple retour sur scène, c’est un instant pioché dans sa constante déclaration d’amour à la chanson française, celle qu’elle crée toujours et encore, et celle à la mémoire de Barbara. Une fusion sensible entre l’héritage et la création.
Marie-Paule Belle n’a plus rien à prouver. Cinquante ans de carrière, un répertoire riche, une voix reconnaissable entre mille, et cette manière unique d’être sur scène, sans artifice mais avec une authenticité simple et sincère. Elle chante avec tout son corps, tout son cœur, toute sa mémoire. Et pourtant, c’est comme si elle se réinventait encore.
Avec ce récital inédit, elle mêle des chansons nouvelles, empreintes de justesse et de poésie (Beau temps à Saint-Germain, Il écoutait le cœur des gens et la perle entre toutes pour moi, Pays natal), à ses titres incontournables (La Parisienne, Wolfgang et moi, Ma vie avec Mozart), et ceux de Barbara, dont elle fut la première à s’emparer avec tant de délicatesse, loin de l’imitation, dans un profond respect.
Comme à chaque fois, on redécouvre Barbara à travers le regard de Belle (Dis, quand reviendras-tu ? Göttingen), rien n’est figé. Tout est vivant. Car ici, l’hommage n’a rien de muséal. Il est vibrant, incarné, nourri d’un lien réel entre deux femmes d’exception, que la chanson a réunies bien avant les hommages officiels. Ce récital est doux et riche. Pas un duel de répertoires, mais un murmure à deux voix, un écho intime entre deux sensibilités qui se reconnaissent.
La scène se fait salon, « J'ai l'impression de vous recevoir ici comme dans mon salon » rie-t-elle. La lumière caresse le piano, et chaque mot, chaque note, semble flotter dans l’air, suspendu dans un temps qui ne nous appartient plus. Il y a des sourires, des silences aussi, des confidences, des regards vers le passé et ceux lucides, ancrés dans l’aujourd’hui. Et surtout, cette émotion palpable, ce frisson que seule une grande interprète peut faire naître avec une économie de gestes et une densité de présence unique.
Belle et Barbara, c’est plus qu’un spectacle. C’est une traversée. Une passerelle entre deux époques, deux voix, deux façons d’aimer le monde. Le public, conquis, ne voulait plus quitter la salle. Et dans les applaudissements, il y avait plus qu’un merci : il y avait la reconnaissance pour ce moment de grâce, où la chanson retrouve sa vraie puissance, celle de toucher l’âme autant que la raison. Quel plaisir mais quel plaisir !
Spectacle vu le 5 juin 2025
Frédéric Perez