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Daniel Mesguich interprète seul en scène ’’l'Arlésienne’’, la nouvelle d'Alphonse Daudet qui en écrivit aussi une pièce en trois actes mise en musique par Georges Bizet. Cette nouvelle est extraite du célèbre recueil ’’Les lettres de mon moulin’’.
« Jan, un jeune paysan, est tombé follement amoureux d’une jeune fille qu’il a rencontrée en Arles. Ses parents, d’abord réticents à leur union, consentent finalement au mariage. Un jour, un homme vient au mas et prétend qu’il a été l’amant de cette Arlésienne. En témoignent des lettres qu’il montre au père de Jan. Le lendemain, ce dernier raconte toute l’histoire à son fils. Jan renonce à se marier mais ne peut oublier l’Arlésienne. »
Adaptée pour la scène théâtrale, la nouvelle s'éloigne de manière significative du récit enfantin de La chèvre de Monsieur Seguin pour narrer avec moultes méandres le drame d'un suicide amoureux. Nous découvrons à cette occasion, et quel plaisir que le théâtre nous offre cette surprise, qu'Alphonse Daudet est un écrivain qui possède une profondeur tragique et une puissance évocatrice redoutables. Les caractéristiques de son écriture nous transportent bien au-delà de sa réputation d’auteur de contes épiques populaires mais révèlent un gout prononcé et un talent avéré pour le traitement réaliste et naturaliste que nous retrouverons dans tous ses récits romanesques et ses 17 pièces de théâtre.
L’arlésienne en est un précieux exemple. Cette œuvre emblématique de Daudet est donnée ici avec un brio remarquable et une infinie sensibilité par l’immense comédien Daniel Mesguich qui incarne l'ensemble des personnages de ce mélodrame provençal. Avec ce récit pastoral qu'il dirige et joue, Mesguich s'empare des variations de la langue française en explorant habilement les nuances du parler provençal. Il donne à tous les personnages de l'Arlésienne, une voix qui les fait vivre tour à tour sur la scène.
À travers cinq tableaux, le récit délivre cette sinistre farandole dont l'émotion s'intensifie graduellement. Assis à cour sur un tabouret haut, un micro vintage sur pied avec réflecteur devant lui et des paysages dessinés en fond de plateau, Mesguich file les scènes en virtuose, des feuilles annotées dans une main. Sa narration oscille entre sombreur profonde, gaieté légère, passion vibrante et émotion tissée. La diction, l’intonation et les variations du timbre de voix offrent des éclats stupéfiants et colorés au récit. Limpide et fluide, le tout est d’évidence. C’est étonnant et superbe.
Lorsque le récit prend fin, nous ressentons avec émerveillement la force des mots qui ne nous a pas quittée un instant, charriant des images et des sonorités si singulières, nous laissant flotter parmi les vents doux de ce mélodrame provençal ou ceux plus contraires soulevant ses fortes émotions.
Daniel Mesguich nous stupéfait toujours et encore. Passionné invétéré du langage et de sa mise en spectacle, il se révèle ici tout à coup amusé et gourmand comme un enfant pour nous conter cette nouvelle en la mettant si admirablement en vie, la faisant briller de mille éclats et l’enveloppant de la chaleur du bonheur partagé. Ce spectacle est un délice théâtral.
Spectacle vu le 30 mai 2025
Frédéric Perez
D’Alphonse Daudet. Conception, mise en scène et interprétation de Daniel Mesguich. Création sonore de Maxime Richelme. Vidéo de Baptiste Magnien. Régie laurent Dondon et Maxime Richelme. Assistanat à la mise en scène de Sterenn Guiriec.