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Un spectacle original qui prend le parti de transposer une nouvelle de Guy de Maupassant dans l’univers du Flamenco. Ce parti pris ne manque pas de sel et vient surprendre l’écoute et le regard du public tant les ressorts du récit réaliste de Maupassant, tiré des contes de la Bécasse paru en 1883, se confrontent et sans doute s’opposent aux ressorts dramaturgiques apportés par cette adaptation. Nous sommes proches ici du théâtre expérimental.
« Deux familles pauvres mais heureuses vivent côte à côte dans l’entraide et l’amitié, jusqu’au jour où un couple de gens riches mais stériles arrive et propose successivement aux deux familles d’acheter un de leur enfant. Tandis que la première famille refuse, l’autre accepte. »
Si nous retrouvons les thèmes abordés dans la nouvelle, certes extrapolés et pour certains sublimés, tels que l’envie et la jalousie, la discorde et l’ingratitude, l’incompréhension et la domination de l’argent, nous sommes interpellés par le traitement scénographique qui vise expressément à créer des effets tant sonores que visuels, colorant de manière significative le texte initial. C’est déroutant et plaisant à la fois.
Le choix d’une énonciation textuelle où l’outrance et la fureur remplacent la simplicité et l’élégance de tournures habituelles chez Maupassant vient renforcer la dénonciation sociale portée dans la nouvelle, dont le spectacle se fait sienne. Dénonciation que l’on retrouve souvent chez l’auteur : L’être humain est déterminé dans ses actions et dans ses choix par ses origines et son milieu social.
Les principales thématiques récurrentes de l’œuvre de Maupassant se retrouvent dans cette nouvelle et l’adaptation s’en saisit. Le pessimisme des situations (les conditions de vie des gitans et l'impossible bonheur des protagonistes), la détermination des femmes (la hargne et la colère des mères Carmen et Maria, et la volonté farouche de Jeanne) et la maladie mentale (le comportement versatil et hystérique de Jeanne).
La mise en scène de Laurent Leclerc utilise un espace tri frontal pour proposer des entrées-sorties dans une sorte de fondu-enchaîné des différents tableaux qui entretient un climat éthéré. Un plancher de bois au centre permet de chahuter le fil narratif en basculant tout à coup sur des danses flamencas magnifiquement réalisées par Karine Herrou Gonzalez et Nati James.
Les émotions les plus fortes sont soulignées dans les jeux par des cris et des invectives très appuyés, par l’onirisme du chant lyrique (superbement donné par Magali Paliès) et par les vibrations de colère et d’autorité des danses flamencas. Jusqu’à une scène finale remarquable où ces trois aspects fusionnent.
Le choix de colorer vivement voire énergiquement la narration est flagrant et même s’il étonne pour une nouvelle de Maupassant, il détone et entérine le parti-pris. Pourquoi pas !
La distribution composée de Karine Herrou Gonzalez, Louise Leclerc, Nati James, Bastien Spiteri, Magali Paliès, Isidoro Fernandez Roman, François Aria (hier soir), montre un enthousiasme à l’énergie débordante.
Une adaptation volontariste et singulière d’un récit réaliste de Maupassant. Un spectacle agréable baigné de Flamenco et de chant lyrique, au théâtre de l’Opprimé jusqu’au 25 mai.
Spectacle vu le 22 mai 2025
Frédéric Perez
D’après la nouvelle « Aux champs » de Guy de Maupassant. Adaptation et mise en scène de Laurent Leclerc. Création lumière de Emmanuelle Faure.
Avec Karine Herrou Gonzalez, Louise Leclerc, Nati James, Bastien Spiteri, Magali Paliès, Isidoro Fernandez Roman, François Aria, avec en alternance Paul Buttin et Cristobal Corbel.