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Ici, pas de scène d’exposition classique, pas de repères temporels nets. On entre directement dans une sorte de maintenant étiré, où le passé et le présent se superposent. Ces deux êtres qui se cachent et se retrouvent, sans jamais cesser d’être ensemble, vont tenter par fragments, par gestes retenus, par mots parfois déchirés, crus et violents, de revivre inlassablement leur histoire. Comme une histoire sans fin. Comme deux enfants qui rejouent toujours la même scènette.

« Il est artiste peintre. Elle écrit des chansons. Lui, est obsédé par les formes souples des femmes. Elle, par la musique de leur premier jour. Ils s’aiment. A la folie. Mais le temps qui recouvre tout laisse peu de place aux passions nouvelles. Alors, il leur faut réinventer l’amour. Par tous les chemins… Vaille que vaille. Chaque fois. »

Les Valises bleues est une traversée lente et douce, parfois éraflée, dans l’histoire d’un amour qui ne sait plus dire son nom. Un spectacle qui vibre tout le long en tentant de cerner cette question sourde : comment continuer à s’aimer malgré le temps qui passe ? Et la réponse voudrait s’imposer là, discrète mais tenace : en essayant, encore et encore. Car ils s’aiment ces deux-là, c’est certain. Mais d’un amour cabossé, confronté à l’érosion des jours. Il leur faut toujours répandre du terreau neuf, se lancer dans une nouvelle tentative. Réinventer ce qui leur échappe.

Le texte de Gérard Vantaggioli est ciselé, souvent abrupt. On passe d’un souvenir lumineux à une dispute larvée qui parfois éclate, d’un silence pesant à une déclaration presque enfantine. Et c’est bien là toute la matière de la pièce. Ne rien dire de définitif, ne rien imposer.

Dans sa mise en scène, précise et clinique, Vantaggioli opte pour une sobriété scénique qui met en valeur la parole et la présence. Il laisse le temps parmi les scènes pour que naissent des respirations. Le fil narratif est déroulé à pas pesés, drapant les situations d’une pudeur touchante, dans le décor d'un atelier de peinture où trône un lit rouge en forme de cœur. La lumière de Franck Michallet en fait un espace mouvant, changeant selon l’humeur des âmes qui l’occupent.

Lui, c'est Jean-Marc Catella, il campe un artiste peintre en proie à ses obsessions. Les formes, les courbes, les femmes telles des paysages qu’on ne finit jamais d’explorer. Sa parole est sèche, parfois blessée, souvent drôle. Un homme que la passion déborde, mais que le quotidien ronge. Elle, Stéphanie Lanier, toute en subtilité, donne vie à une écrivaine de chansons qui traque l’émotion comme on traque le mot juste. Sa voix enveloppe les scènes d’une tendresse blessée, d’une sincérité évidente.

L’intimité du jeu traverse les scènes. Une proximité palpable entre les deux comédiens, un dialogue organique où l’un peut finir la phrase de l’autre. Leurs corps, immobiles ou enlacés, racontent tout. Le temps passé. Le désir qui revient. La peur de l’oubli.

Un spectacle délicat. Un texte exigeant qui nous parle avec chaleur d’un amour meurtri mais vaillant. Du théâtre d’auteurs. Une interprétation brillante.

Spectacle vu le 21 juillet 2025

Frédéric Perez

 

Texte et mise en scène de Gérard Vantaggioli. Musique de Éric Breton. Lumière de Franck Michallet.

Avec Jean-Marc Catella et Stéphanie Lanier.

 

Photos © DR
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