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Errer ainsi dans la rue la nuit se parlant à soi-même en s’adressant à un autre, recherchant sa présence pour apaiser son désarroi, trouver un peu d’amour, surmonter ses désirs et oublier la peur d’être battu… Seule une incommensurable solitude sans espérance peut y conduire un homme et l'entrainer plus loin encore jusqu’au bout de sa vie.

C’est une longue et belle logorrhée vive et puissante, rythmée au son de phrases scandées, murmurées ou simplement dites, aux mots incisifs et violents, cruels et désespérés. La douleur porte le moment jusqu’à son terme comme un tragique adieu à la vie sur un chemin magnifié. Est-ce la folie d’un homme au délire discursif ? Un délirium éthylique en pleine agitation ? Un long cri de douleur ? Un dernier appel au désir d’amour ? Quelle que soit sa source, le texte nous trouve et nous transperce.

Ce soliloque écrit en 1977 par Bernard-Marie Koltès tient une place importante dans son œuvre. Il marque une césure entre ses textes antérieurs et ceux qui suivent, qu’il revendique désormais comme les plus importants.  Il y écrit avec un style qui devient sa plume, fait de répétitions en forme de leitmotiv, de mélange entre la langue parlée et la langue écrite. Il y imprègne les thèmes qui lui sont chers comme la solitude, le désir, la recherche de soi, la peur de la maladie, la difficulté de demander et l’exclusion.

Le jeu d’Eugène Marcuse touche au cœur, nous troublant profondément. Il nous semble voir une dissection du désespoir avec ses cris étouffés de souffrances rentrées rendant impossible tout redressement salvateur. Ce jeune comédien de 20 ans habite ce texte difficile avec une maîtrise sidérante, il est cet homme. Son corps nous parle autant que la parole. Il semble se fondre sur le plateau comme un mime jouant un fantôme sans habit (marcher sur le trottoir, raser les murs et se consumer dans son propre corps). Un travail d’interprétation impressionnant et remarquable.

La mise en scène de Jean-Pierre Garnier situe ce soliloque sur un parcours brouillé. Des lumières qui surgissent et s’éloignent ; des miroirs qui jonchent le sol, se posent sur le corps du comédien ou sur les murs du plateau. Comme pour éclairer et refléter la tension palpable et parsemer le discours de suspensions inquiétantes.

Un spectacle qui fait mal comme un coup de poids dans le ventre tellement il nous saisit. Un superbe et beau travail fait d’épure et d’intensité au service d’un texte majeur de Koltès. Incontournable.

 

De Bernard-Marie Koltès. Mise en scène : Jean-Pierre Garnier. Scénographie et lumière : Yves Collet. Collaboration artistique : Olivier Dote Doevi. Travail du mouvement : Maxime Franzetti. Création sonore : Joncha. Avec Eugène Marcuse.

Du mardi au samedi à 19h00 – 75 boulevard du Montparnasse, Paris 6ème - 01.45.44.50.21 - www.theatredepoche-montparnasse.com

 

- Photo DR -

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