Une comédie sociale avant l’heure, revêtant les attributs du drame bourgeois pour y dénoncer les faux-semblants des mœurs de l'époque où l’Être et le Paraître se battent pour avoir la part du lion. L’argument se révèle une ravageuse et raffinée analyse morale des nantis d'alors et joue de la confrontation du double triomphe du langage et de l’amour.
Considérée comme une pièce à part dans l’œuvre de Marivaux, LA MÈRE CONFIDENTE, écrite en 1735, connait un grand succès au cours du 18ème siècle puis elle est peu souvent reprise ensuite.
Marivaux fait conjuguer la légèreté des propos avec la férocité du rire pour donner une force subtile et profonde à la satire de la duplicité et du mensonge. Il nous dépeint une aristocratie plus préoccupée par la richesse de biens que par celle du cœur ; par l’attachement aux valeurs d’une autorité castratrice plutôt que par l’émancipation des humains et tout particulièrement celle des femmes ; par une éducation liberticide et misogyne, réduite au respect des dominants en lieu et place d’une éducation progressiste visant l’épanouissement individuel.
Dans une société qui fait peu de cas du bonheur, Marivaux colore sa comédie d'une dimension morale qui prétend donner une leçon sur le mariage traditionnel établi et arrangé, sans considération pour les sentiments des jeunes promis.
Nous trouvons là un Marivaux « philosophe » à l’instar de Jean-Jacques Rousseau, son contemporain et proche, qui développera plus tard les notions d’humanisme moral et de contrat social. En mettant en avant les sentiments, LA MÈRE CONFIDENTE, s’oppose à la tyrannie des parents et prône la liberté d’aimer selon ses émotions avant les raisons de le faire.
Avec une surprenante audace, dans un décor labyrinthique (tiens donc, ce n’est donc pas tout droit ?) d’un tableau déstructuré du voyage à Cythère de Watteau (oh, l’île de l’amour !), Xavier Lemaire choisit un parti-pris burlesque pour traiter cette pièce avec toute l’efficacité qu’un message rieur peut avoir. Nous nous délectons de voir ainsi la rhétorique adroite de Marivaux magnifié dans son discours par une exposition hilarante, jouée avec les habits de la farce. La puissance de la dénonciation y trouve son compte, le public aussi.
Nous rions, surpris et ravis, des tours et des détours de la suivante Lisette et du valet Lubin, qui nous montrent par la duplicité calculée de l’une et la cupidité baignée de bêtise de l’autre, les excès de la duplicité et de la cupidité de leurs propres maîtres.
Reconnaissons quand même qu’une mère voulant devenir la confidente de sa fille pour mieux la contrôler, c’est gros comme un platane. Il faut une bonne dose d’innocence et de soumission pour y croire un instant. Malheureusement, Angélique la fille de la mère confidente, tombe dans le panneau. Le prénom peut-être ? L’éducation plus surement !...
Bien sûr, le sentiment triomphera. Le savoir-faire de Lisette et le bon sens de Lubin ne sont pas étrangers à cette victoire de l’amour.
D’un abattage incroyable de dynamisme, la distribution toute entière nous cueille dès le début, nous émeut et nous fait rire tout le long. La sincérité des amoureux (Manon Montel et Thibault Pinson, romantiques à souhait) ; le machiavélisme et le désarroi de la mère (Marie Delaroche, fine et sensible); la fourberie perfide de Lisette (Isabelle Andréani, pêchue, drôle et habile); la truculence de Lubin (drôle et fourbe à claquer); la bonhommie clownesque de l’oncle (Xavier Lemaire, désopilant)...Tout ce beau monde et leurs belles manières passent la rampe avec brio et délice.
Une pièce de Marivaux où le grotesque des mœurs dénoncées est poussé jusqu’au bout du burlesque. Un savoureux spectacle à voir sans hésitation !
De Marivaux. Mise en scène de Xavier Lemaire. Assistance à la mise en scène de Marc Siemiatycki. Musique de Fred Jaillard. Lumière de Didier Brun. Décors et costumes de Caroline Mexme. Avec Isabelle Andréani, Marie Delaroche, Frank Jazédé, Xavier Lemaire, Manon Montel et Thibault Pinson.
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