Ah le plaisir de retrouver Feydeau est toujours une gourmandise délicieuse à côté de laquelle une brioche chaude à la voute croquante, même servie avec du vrai chocolat chaud, ne serait égale qu’aux tristes saveurs d’un Irish coffee raté !... Aussi bien, c’est le sourire aux lèvres et le dos bien calé que nous attendions le début de ce spectacle…
Nous avons vite changé d’allure. Du plaisir attendu, nous sommes passé à la désillusion surprise puis au désappointement gêné pour finir par nous demander si ce n’est pas un début de grippe ou une autre indélicatesse personnelle qui nous rendit tant marri, tant penaud et nous fit espérer la fin comme un amant fatigué attend la délivrance de l’aube pour dormir.
Certes, il peut être tentant de montrer Feydeau sous une facette qu’on ne lui connait pas encore. Le parti-pris de la mise en scène est audacieux. Faire une revue, façon « Palace », composée de sketchs choisis parmi les scènes des cinq dernières pièces du grand maître et d’enchainements musicaux dansés, farfelus et décalés, pourquoi pas !... Mais hélas Elias, cela ne fonctionne pas. Le risque de tomber dans une série de scènes de concours est bien là et nous n’y échappons pas.
Comme nous le savons, le théâtre de Feydeau repose sur la mécanique précise des situations et des propos qui les accompagnent. La dynamique de cette mécanique a un début et une fin entre lesquels une progression savante et précise de montée en puissance, en vitesse et en rires, fonde l’efficacité de ce comique implacable. Ici, la succession de scènes entremêlées ripe sans glissement et râpe sans ménagement. Des sursauts de rire remplacent les effets explosifs logiquement obtenus par le montage bien huilé. Seuls, les traits jouent leur rôles et des soubresauts de rires parsèment ici ou là le spectacle, plus au début qu’à la fin.
L’enthousiasme des comédiens ne parvient pas à emporter la mise. De qualité inégale, peut-être mal distribués, les jeux n'apparaissent pas toujours crédibles. Certains couples fonctionnent, d’autres moins. Nous n’oublions pas que chez Feydeau, les femmes, quel que soit leur rang social, sont fortes en gouaille ou en réparties, avec brutalité ou élégance, selon les rôles…
Malgré l’audace ingénieuse de cette mise en scénettes, son comique s'y fait discret et ses enchainements dansés, plutôt laborieux. L'ensemble ne passe pas la rampe, le public ne rit pas ou si peu. Or, quel que soit le parti-pris choisi et somme toute ici, un peu trop alambiqué, il semble bien que devant du Feydeau, on ne réfléchit pas, on rit.
D'après Georges Feydeau : Feu la mère de madame, On purge bébé !, Léonie est en avance, Mais n’te promène donc pas toute nue !, Cent millions qui tombent. Mise en scène, adaptation, lumière Georges Lavaudant. Assistante à la mise en scène Fani Carenco. Dramaturgie Daniel Loayza. Décor, costumes Jean-Pierre Vergier. Assistante aux costumes Géraldine Ingremeau. Son Jean-Louis Imbert. Maquillage, Coiffure, Perruque : Sylvie Cailler, Jocelyne Milazzo. Chorégraphie Francis Viet. Collaborateur artistique Moïse Touré. Avec Gilles Arbona, Astrid Bas, Lou Chauvain, Benoit Hamon, Manuel Le Lièvre, André Marcon, Grace Seri, Tatiana Spivakova.