Quel est donc cet univers si particulier d’Hanokh Levin que nous retrouvons à nouveau ici dans sa deuxième pièce, écrite en 1972 ? Un enfer fantasmagorique décrit avec la bouffonnerie du refus par le rire ? Une fable cocasse, cruelle et tyrannique sur l’impossible quête du bien-être dans le vivre-ensemble ? Une satire sociale et une critique des mœurs dans lesquelles la jalousie, l’humiliation et la soumission se disputent la réussite entre voisins, époux et enfants-rois ?
Ce maitre du théâtre satirique nous plonge dans les contraires associés, les confrontations impossibles d’idées ou de situations. Il jette un regard violent, caustique et cruel sur la vilénie et la bassesse des personnes entre elles, des abus de pouvoir des citoyens entre eux. L’absurde côtoie le non-sens, l’abstraction se joue du réalisme, le masochisme agace la pitié et le sadisme mord la compassion jusqu’à espérer trouver enfin derrière la négation de sentiments sincères et l’absence d’amour véritable, une juste libération par la mort.
Dans VIE ET MORT DE H, l’univers sombre et cynique de Levin revêt les habits de la farce métaphorique pour que le rire nous fasse glisser plus aisément sur les pentes aux cailloux blessants de la réalité dénoncée. Ces petits riens qui effondrent tout. Propos incroyables et gestes stupéfiants rivalisent de méchanceté crasse dans le secret des maisons ou celui des relations de voisinage.
Nous sommes dans une comédie bien huilée à la mécanique fluide des situations, façon Feydeau, et à la truculence vacharde des répliques outrancières, façon Labiche ou Bernhard.
Monsieur et madame Boubel ont une fille et un souffre-douleur. Fogra, la fille, vit avec son fiancé et va se marier. H, l’En-plus, vit au foyer Boubel depuis des années. Une vie sociale, avec voisins et amis, s’organise autour d’eux pour en faire un microcosme saccageur. Duperies, mensonges, tyrannies, secrets, vont vivre en vase clos, dans la plus mauvaise conscience. Entre vie et mort, H, celui de trop, en finira-t-il de souffrir pour vivre ?
La mise en scène de Clément Poirée s’immisce dans ce mouvement dément en accentuant le côté burlesque et en soulignant adroitement les contrepoints apportés à cette dynamique tueuse par les postures simples, limite sereines et quasi normales des personnages d’Hannah et surtout de H. L’instantanéité des situations et des répliques ne laissent pas de temps suspendu. Nous sommes embarqués dans cette franche folie et gouttons, cois et rieurs, à cette magnifique fourberie du bonheur, drôle autant que grinçante.
Les comédiens nous ravissent. Tous et chacun. Ils campent leurs personnages avec précision et jouent ensemble avec une harmonie qui semble parfaite. Peut-être s’aiment-ils, eux ?
Une superbe interprétation et une merveilleuse réalisation de cette comédie d’Hanokh Levin, auteur à la qualité rare. Un très beau et grand spectacle que voilà. À voir sans hésiter. Obligé !
D’Hanokh Levin. Texte français de Laurence Sendrowicz. Mise en scène de Clément Poirée. Scénographie Erwan Creff. Lumières de Kévin Briard assisté de Nolwenn Delcamp-Risse. Costumes d’Hanna Sjödin assistée de Camille Lamy. Musiques de Stéphanie Gibert. Maquillages et coiffures de Pauline Bry. Collaboration artistique de Sacha Todorov. Régie générale de Farid Laroussi. Habilleuse Emilie Lechevalier. Avec Moustafa Benaïbout, Camille Bernon, Bruno Blairet, Eddie Chignara, Louise Coldefy, Emilien Diard-Detoeuf, Laurent Ménoret, Luce Mouchel.
Du mardi au samedi à 20h00 et le dimanche à 16h00 – Cartoucherie, route du Champ de Manœuvre, paris 12ème – 01.43.28.36.36 – www.la-tempete.fr