Dans son parcours artistique, il semble bien que Bérengère Dautun soit de ces comédiennes qui choisissent des personnages qui se battent. Après « Alexandrine Zola », « Louise Michel », « Les coquelicots des tranchées », « La comtesse de Ségur, née Rostopchine » ou encore « Le marronnier de la rue Caulaincourt », des textes décriant l’injustice ou œuvrant pour le devoir de mémoire, cette grande dame du théâtre défend ici avec ardeur, intensité et une troublante sincérité, le destin de Blandine de Neuville, meurtrie à jamais par l’inceste depuis son enfance, emprisonnée pour avoir tué son père, son bourreau.
COMPARTIMENT FUMEUSES est une pièce forte dans laquelle une victime présumée coupable est incarcérée dans l’attente de son procès. Pendant ces quelques jours de préventive, Blandine découvrira l’univers de la prison, la haine, la contrainte, la jalousie et… l’amour.
Il lui aura fallu attendre cette expérience pour connaître à son âge, avec Suzanne sa jeune co-détenue, le réconfort d’une écoute, la délivrance de la culpabilité, la protection affectueuse et l’éblouissement du sentiment amoureux. Un amour de femmes beau comme une plage ensoleillée, simple comme un sourire, chaud comme les bras de l’autre. Une aspiration au bonheur, enfin.
L’écriture de Joëlle Fossier, à la fois fine et précise, décrit sans concession la violence générée par la privation de liberté, ses effets sur les personnalités brisées par cet univers carcéral où les normes internes remplacent les normes sociales, sans morale et sans merci. La profondeur des sentiments entre les deux femmes, leurs incommensurables bienfaits, nous emportent dans une écoute attentive, recueillant des images et des sensations qui nous impressionnent, nous livrant à l’espoir d’une fin heureuse.
La mise en scène d’Anne Bouvier accompagne le mouvement donné par le texte en centrant notre attention sur l’intimité forcée des détenues dont sortira cette improbable et pourtant merveilleuse histoire d’amour.
Florence Muller joue avec adresse la surveillante de prison, celle qu’on devrait haïr, que l’on hait d’ailleurs. Mais qui nous laisse entrevoir un trouble latent, une humanité empêchée mais vivante.
Sylvia Roux nous surprend de son jeu riche, pêchue et sensible. Elle arrive à passer d’une sorte de cerbère qui ne s’en laisse pas conter à la femme blessée, touchée, s’abandonnant avec chaleur et féminité dans cette relation pour enfin vivre des instants heureux.
Un spectacle passionnant, prenant, dont les images et les répliques restent et résonnent, magistralement joué par trois comédiennes, belles et touchantes, comme l’histoire qu’elles nous racontent.
De Joëlle Fossier. Mise en scène d’Anne Bouvier, assistée de Pierre Hélie. Scénographie de Georges Vauraz. Lumières de Denis Korensky. Musique de Stéphane Corbin. Avec Bérengère Dautun, Florence Muller et Sylvia Roux.
Les dimanches à 19h30 – 78 bis boulevard des Batignoles, Paris 17ème – 01.42.93.13.04 – www.studiohebertot.com