La Comédie-Française nous étonne à nouveau et se surpasse ici, nous montrant sa maitrise d’orfèvre des arts du spectacle dans cette explosion spectaculaire à l’audace inouïe, mêlant Cinéma, Théâtre, Vidéos, Chansons, Musiques… Sur le plateau, dans la salle, jouant des interactions avec le public.
Ce Théâtre d’excellence dépasse les limites habituelles, se mettant en scène également et compose avec cette réalisation une ode affirmée à la modernité, à l’avant-garde, outrepassant les règles du jeu dramaturgique, ajoutant ainsi une facette novatrice à son répertoire qui devient on ne peut plus éclectique et d’une incontournable lecture actualisée au service du spectacle vivant classique ou contemporain.
Christiane Jatahy, auteure de cette mise en vie du film magnifique de Jean Renoir, qu’il nommait « fantaisie dramatique », semble réinventer sous nos yeux, dans une théâtralité surprenante par sa diversité d’expressions, ce drame amoureux. L’étonnement nous saisit tout le long où tout parait se jouer en temps réel, là devant nous, avec les scènes filmées qui se mêlent au reste et qui nous emportent tout à fait. Le plaisir est ahurissant comme celui d’un enfant découvrant un objet extraordinaire.
C’est une histoire d’amours entremêlés et empêchés qui nous est contée. Des jeux de l’amour et de l’amitié, trahis au gré des attirances insouciantes et faciles, des hasards crasses et ravageurs où le déchainement des sentiments, la transgression des interdits font confondre le jeu et la vie. Plus de règles du jeu. Plus de règles de vie. La passion règne et gère les enjeux.
Christine et Robert sont mariés depuis trois ans. Ils mènent une vie d’aristocrates repus de plaisirs et de richesses. À l’occasion du retour d’André, aviateur venant de réussir un exploit, ils organisent une grande fête aux allures d’orgiaques agapes dans laquelle la confusion sèmera son trouble.
André aime Christine plus qu’elle ne semble l’aimer. Par ailleurs, Robert tente de mettre un terme à sa liaison avec Geneviève qui l’aime encore et qui se laissera sombrer dans les effluves festifs de l’oubli. Octave, l’ami d’enfance de Christine, ami d’André, fait tout pour le bonheur des autres, oubliant le sien, à deux doigts de l’atteindre. Les domestiques et les maîtres se côtoient au rythme de l’avancée de la fête, de ses détours horrifiants et de son implacable fin.
Une sensualité débridée regorgeant d’audaces inonde les sentiments des personnages s’exposant dans de tendancieuses et passionnelles situations sans chercher ni pouvoir se cacher du regard des autres.
La volonté critique de cette société de nantis, baignant dans le tout-est-possible, ressort avec violence et précision. Le plus riche conduit sa vie comme s’il commandait celles des autres. La chasse organisée au cours de la fête porte le symbole de cette dénonciation sociale. Renoir n’est pas trahi. Son message semble même renforcé.
La troupe de la Comédie-Française brille de ses plus beaux éclats dans cette féérie spectaculaire où tout est au cordeau bien sûr mais dans laquelle la virtuosité est particulièrement saisissante.
Un spectacle incontournable et mémorable.
Calendrier des représentations, générique et distribution complète des comédiens de la troupe de la Comédie-Française : www.comedie-francaise.fr/spectacle-comedie-francaise.php?spid=1546&id=209