Sarah est Sourde de naissance. Placée en institution dès l’enfance, elle s’est enfermée dans son monde de silence, assumant sans doute ainsi le sentiment d’abandon, le poids de sa différence, le manque d’altérité sincère et réconfortante. Elle utilise la langue des signes pour communiquer. Elle refuse toute autre forme de langage proche de celui des entendants, les autres, ceux qui l’ont rejetée, méprisée et abusée dans ses premières années.
Femme de ménage dans l’institution, elle suit, sans trop le vouloir, les séances d’orthophonie qui lui permettraient d’apprendre le langage labial et la prononciation. Jacques, son nouvel orthophoniste se bat pour elle, pour quelle accepte de parler, pour qu’elle sorte de son refuge de silence, pour qu’elle vive aussi en dehors de la communauté des Sourds et celle des malentendants, pour qu’elle ait une vie sociale plus ouverte.
De leurs échanges difficiles du début nait une attirance, une amitié amoureuse puis un amour. Ils se marient et s’installent dans une maison en face de l’institution. Une vrai fausse vie apaisée commence alors. Mais trop vite Sarah ne supporte plus cette nouvelle normalité, cette obligation de plus en plus pressante de « parler ». Le couple en pâtit, la séparation dans le respect profond des deux époux s’amorce. L’amour n’est pas mort.
Combien il est difficile de voir ces distinctions qui vont jusqu’à creuser sournoisement des fossés entre la déficience et le handicap, entre l’amour et la compassion, entre la pitié et la reconnaissance, entre la quête identitaire et la norme sociale.
La pièce de Mark Medoff est créée en 1979. L’auteur y dépeint avec humilité et précision cette extraordinaire histoire d’amour, pleine de joies, d’espérances et de souffrances partagées. Sans jamais sombrer dans la tragédie, le texte nous embarque avec puissance dans les situations, les jeux et les silences des personnages.
La troupe de la Comédie-Française magnifie le récit, nous rudoie des sensations qui s’en dégagent, nous saisit du trouble qui nous enveloppe et jusqu’à la fin, nous fait espérer le bonheur assumé, dans la conjugaison heureuse des deux univers.
Ce spectacle est beau, très beau. Nous en sortons profondément touchés. Un grand moment de théâtre intense, émouvant et mémorable.
De Mark Medoff. Adaptation française de Jean Dalric et Jacques Collard. Mise en scène d’Anne-Marie Étienne, assistée de Raphaële Cambray. Décor de Dominique Schmitt. Costumes de Florence Émir, assistée de Siegrid Petit-Imbert. Lumières de Laurent Béal. Son et musique de François Peyrony. Maquillages et costumes de Cécile Marchione. Conseil en langue des signes de française de Joël Chalude. Avec la troupe de la Comédie-Française : Catherine Salviat, Alain Lenglet, Coraly Zahonero, Françoise Gillard, Laurent Natrella, Élliot Jenicot et Anna Cervinka.
Du mardi au samedi à 21h00 et le dimanche à 15h00 – 14 boulevard de Strasbourg, Paris 10ème – 01.42.08.77.71 –www.theatre-antoine.com