- Photo © Jean-Luc Beaujault -
Une fable extraordinaire sur la quête de soi, le combat pour vivre libre, l’arrachement de tous les liens qui soumettent les désirs aux puissances oppressives et enfouissent les chemins vers le bonheur.
Au début, un grand, un gros, un énorme bonhomme est agenouillé au bord d’un plateau rond borné de ventilateurs et autour duquel des gradins permettent au public de s’installer en silence, intrigué par ce qu’il voit. Dans un semi-obscure, cette sorte de monstre sage aux allures d’un Daniel Westin habillé par Enki Bilal découpe un sac plastique avec une grande paire de ciseaux de tailleur et fabrique une silhouette à l’aide de ruban adhésif.
Ses mouvements lents et pesants nous surprennent toutefois par une sorte de bienveillance que nous ressentons, on se demande bien pourquoi. Sa bonhommie ? Son attitude pacifique ? On ne sait pas.
Les ventilateurs s’activent. Le grand, le gros, l’énorme bonhomme place la silhouette devant l’une des machines. La musique de Claude Debussy s’amplifie. La silhouette prend forme en se gonflant d’air et devient autonome, se déplaçant, virevoltant, s’envolant comme un danseur heureux.
Le bonhomme se lève et marche d’un pas lourd et lent, semblant rechercher le contact avec la silhouette. Il s’ensuit un pas de deux étrange.
Toujours de sa marche lente au son de la musique, « l’homme invisible » fait s’échapper de son costume moult silhouettes identiques à celle qu’il a fabriquée. De couleurs différentes, elles composent un ballet féérique dans les airs et sur le plateau. Une illumination dansante nous faisant presque léviter parmi ces formes qui évoluent.
Soudain, la magie bienheureuse semble se transformer en une vague d'épuration à la violence manifeste. Attaqué de toutes parts par les multiples silhouettes, le bonhomme parvient à rassembler et maintenir hors de vie ses assaillants et les jette dans une grande poubelle rectangulaire, comme autant de déchets méprisables.
Puis… Il mue.
Il, ce grand, ce gros, cet énorme bonhomme. Il, cet « homme invisible ». Il, ce bonhomme. Mais est-ce vraiment un être humain, d'ailleurs ? On devine peu à peu que oui… Il ou elle, on ne sait pas encore.
Tombant à terre, semblant combattre avec lui-même pour se dégager des restes de son costume et des très nombreuses peaux de plastique qui l’enserrent, « l’être » mène un combat extraordinaire.
De ceux rédempteurs qui libèrent des jougs de la domination. Un combat terrible à l’esthétique trouble logée entre la danse et la lutte. Un combat inondé de musique. Un combat beau tant il porte l’espérance. Un combat émouvant comme l'illustration poétique d’une renaissance.
Dans une folle féérie de mues progressives, donnant lieu à des visions oniriques de peaux de plastique s’envolant dans les airs après avoir quitté le corps, extirpées ou arrachées par cet être qui devient peu à peu humain. Une femme, belle, rompue de fatigue mais soulagée d’avoir gagné son combat, sa libération, son devenir.
Un spectacle fort et captivant, d’une fulgurance créative proche des violences d’une révolte et d’une incroyable fébrilité. Une balsamine lumineuse de beauté se hâtant de nous faire vivre son périple avant que le cyclone ne dérobe tout, même les traces de douleurs. Un Vortex de tous les diables que ce VORTEX. Souvenir pour toujours.
Conception, mise en scène et interprétation de Phia Ménard. Compagnie Non Nova. Dramaturgie Jean-Luc Beaujault. Scénographie Phia Ménard. Composition sonore Ivan Roussel d'après l'œuvre de Claude Debussy. Plateau et vent Pierre Blanchet. Construction Philippe Ragot. Lumière Alice Ruest. Costumes et accessoires Fabrice Ilia Leroy.
Dates en tournée sur le site www.cienonnova.com