Mêlant adresses au public, monologues, chansons, musiques, dessins et peintures, ce spectacle emprunte à la tradition du barde l’art et la manière de captiver un cercle d'invités au cours d’une soirée, comme une veillée au coin du feu. Soirée envoutante et onirique, nourrie de révélations, de questions ou de récits, colorée de musiques et d’images projetées.
Étonnant spectacle qui rappelle les genres théâtraux ancestraux que sont la rhapsodie et la chanson de geste où l’aède conte et chante, louange et dénonce les récits de vie qui le touchent, nous proposant de découvrir le sien au travers d’un labyrinthe merveilleux auquel il nous invite à nous perdre.
Ces formes anciennes reprises avec force et une certaine violence feront le lot des « performances » des Seventies. Elles se retrouvent aujourd’hui réinvesties par des poètes, des comédiens, des musiciens et des plasticiens, parfois un peu tout ça à la fois, souvent agrémentées d’improvisations aux élans d’Happening.
Cela ressemble bien à ça L’HOMME INOUÏ. Cela pourrait bien être notre barde d’un soir, cet Oldan qui sait être chaleureux et meurtri, touché et touchant, regorgeant d’empathie et d’altruisme.
Oldan nous accueille debout sur le plateau, le dos tourné, nous laissant nous installer dans une ambiance sonore électroacoustique, façon zen tendance musique psychédélique des Sixties. La musique est jouée par Patrick Matteis (qui en est le compositeur) aux manettes d’un clavier-synthétiseur intriguant, ressemblant à une boite noire en carton décorée de boutons de métal, mais ce n’est pas ça du tout, j’en suis sûr. Une guitare est posée à côté de lui, attendant son tour. Un tabouret aussi. Au sol, un cercle lumineux. Un écran de tissu blanc en fond de scène où sera projetée la stupéfiante création vidéo réalisée par Léo Sam, faite d’images arrêtées et de fondus mouvants sur des fragments de tableaux de Jérôme Bosch.
Puis Oldan se retourne, nous regarde, nous salue, nous félicite. Il commence une étrange et audacieuse danse de mots, de propos, de chansons, de sons et de notes, d’images posées ou mouvantes. Entrant et sortant du cercle lumineux comme s’il s’agissait de symboliser le « hors » et le « dans » de son personnage. Captivante harmonie de voix parlée ou chantée, de bruissements mélodiques ou de scansions veloutées, de couleurs impressionnantes s’échappant des regards d’un singe, des figures anthropomorphes étirées jusqu’à montrer leur monstruosité ou posées là, parmi d’autres détails du « portement de croix » ou du « jardin des délices » de Jérôme Bosch, entre autres.
Le texte d’Oldan nous interpelle. Simple, poétique, imagé, il balance son chaland de la candeur à la douleur pour nous parler d’amour, de désir et de plaisir. Pour nous montrer la peine et les méfaits que nous et les autres charrions dans nos vies. Sans jamais perdre tout à fait son cap fait de son crédo et de sa rébellion, Oldan nous parle de l’indispensable quête du bonheur. Avant et malgré tout.
Un spectacle rare comme toute expérience théâtrale inhabituelle et réussie. Un parcours de rêveries et de réflexions, baigné d’utopie, au charme élégant du poète.
Texte et interprétation d’Oldan. Mise en scène de Roland Abbatecola et Daniel Olive. Création visuelle de Léo Sam. Musique de Patrick Matteis.