Un spectacle haut en couleur et en verve pour cette comédie de Molière qui déverse ses feux ardents et ses diatribes dévastatrices sur les caprices prétentieux des jeunes bourgeois et sur les velléités ridicules et liberticides de leurs pères avaricieux de leur amour et de leur argent.
Dans cette comédie crée en 1671, Molière déclenche les rires des énormités qu’il dénonce avec une intention appuyée de régler les comptes des brillants repus et des riches gavés en poussant loin la violence débridée d’un Scapin s’enivrant de sa fougue dans la punition qu’il inflige.
Il y a comme une symbolique dramatique dans « Les Fourberies de Scapin » chez Molière vieillissant, à deux ans de sa fin de vie. Celle de la revanche dans la scène du sac où au-delà de Géronte, tous les fâcheux en prendront pour leur grade tout comme dans la scène finale où le pardon qui pourrait être sa propre requête, se conjugue aux adieux qui pourraient être les siens.
Denis Podalydès nous le montre avec force dans sa mise en scène. Il nous fait rire et sourire mais aussi nous émeut des situations qu’il nous montre dans leur grandiloquence monstrueuse qui ne craint pas l'outrage ou dans leur tendresse infinie pour les plus faibles, même marauds comme Scapin, désabusé et déçu par ces bourgeois qui n’ont de grand que leur bêtise et leur inhumanité.
Il y a comme une mélancolie douce chez notre Fourbe qui ne s’éclaire que pour venger les victimes et qui retourne une fois l’action faite, dans l’ombre de sa solitude, une guitare en main, chanter une ritournelle.
Décors grandioses, costumes magnifiques, comédiens superbes. Comme d’habitude, la Comédie-Française nous éblouit, nous cueille et nous emporte, nous berce et nous bouscule. Le Grand Art est là, assurément.
Comment ne pas noter et saluer Benjamin Lavernhe qui explose en Scapin ! Au tonus époustouflant il allie une ruse quasi machiavélique pour retourner les situations et les personnages (et nous avec !) par ses tirades drôlissimes et jouant du clown par moments dans des situations pantominesques désopilantes et des adresses au public, tout à fait réussies.
Adeline Henry est une remarquable Zerbinette, pêchue et d’un charme sensuel abouti. Gilles David dépote en Argante, il faut voir comme. Didier Sandre compose un truculent et formidable Géronte. Toutes et tous sont merveilleux, justes et convainquants. La troupe resplendit.
Grandiose et intéressant au plus haut point, un spectacle incontournable où le rire côtoie le merveilleux.
De Molière. Mise en scène Denis Podalydès. Scénographie Éric Ruf. Costumes Christian Lacroix. Lumières Stéphanie Daniel. Son Bernard Valléry. Maquillages Véronique Soulier-Nguyen. Collaboration artistique et chorégraphique Leslie Menu. Assistanat à la mise en scène Alison Hornus. Assistanat à la scénographie Dominique Schmitt.
Avec la troupe de la Comédie-Française : Bakary Sangaré, Gilles David, Adeline d’Hermy, Benjamin Lavernhe, Claire de La Rüe du Can,
Didier Sandre, Pauline Clément, Julien Frison et Gaël Kamilindi.
Et les comédiennes de l’Académie :Maïka Louakairim et Aude Rouanet.
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Place Colette, Paris 1er – 01.44.58.15.15