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Étonnante et détonante absurdie de l’évidence, de la vacuité des habitudes et de la vanité du temps qui se plait à croire que nous ne savons qu’il n’est rien d’autre qu’une série de vaines fortuités. Magistrale leçon de maintien dans le beau monde de l’ennui qui pense et des mots qui ont tous déjà été dits. Alors à quoi bon ?

 

Comment, en faire un commerce ? Ah ça mais, pourquoi pas !

 

Gérald et Paulbert ont ouvert boutique dans une ancienne épicerie. Ils vendent des conversations toutes prêtes pour que le hasard ne vienne pas enrayer la vie des gens en leur faisant rabâcher à l’envi les mêmes idées, les mêmes mots, les mêmes enchainements de cause à effet, d’une chose à l’autre, où la banalité serait reine et leurs échanges méprisables par ces riens qui se répètent.

 

Barbara entre dans la boutique, pensant acheter une bouteille de vin pour une soirée d’ennui chez des amis. Bien ou mal lui en a pris, elle est restée. D’étonnement en dépit, de déni en répit, la voilà embarquée dans ce voyage hors temps, hors norme et hors d’elle. Les échanges s’entremêlent, le trio fait la paire et les trois font des vagues, surfant sur le passé, l’avenir, la mort et la baignoire remplie de vin, entre autres.

 

Ah ça, il ne faut pas se hasarder à passer la porte de cette boutique sans savoir ce qui nous attend ! Un drôlissime tourbillon de sens, sans dessus-dessous, d’une illogique imparable tant elle est roublarde et bien fichue. Les idées voltigent, le bon sens ne reconnait pas les siens, le contre-sens furète et l’imagination s’emballe. À tout moment, le tourbillon menace de devenir tornade.

 

« On sait quand le passé a commencé, ça c’est facile, mais le futur… Ce qui est sûr c’est que plus le temps passe et moins il y a de futur. »

C’est drôle, hilarant même, déroutant et iconoclaste aussi. Un spectacle truffé d’une poésie de l’extraordinaire, celle des clowns des mots dits, ceux qui nous emportent au pays des merveilles de la pensée qui s’envole, à l’instar de Devos, de Sol ou de Desproges.

 

« Excusez-moi mais on ne va pas en faire toute une histoire. Depuis des générations qu’on meurt, on devrait un peu commencer à s’habituer. »

Le texte et la mise en scène de Pierre Bénézit affrontent le « temps », le « rien » et le « banal » avec une redoutable simplicité caustique et une précision au cordeau. Les mots, les situations comme le choix des accessoires contribuent à nous amuser devant ces miroirs de la vie qui passe, celle qui est passée ou celle qui vient, comme pour en sublimer leur insignifiance que nous prenons plaisir à observer ou à penser en riant.

 

Olivier Broche, Vincent Debost et Anne Girouard semblent se délecter des conversations de leurs personnages dont ils servent magnifiquement les partitions pas si simples à jouer. Du très beau travail.

 

Un spectacle drôle et intelligent où on s’esclaffe de plaisir devant cette jonglerie farfelue et ébouriffée d’idées et de mots en bataille. Un agréable et surprenant moment de théâtre.

 

 

Texte et mise en scène de Pierre Bénézit. Scénographie de Pascal Crosnier. Cration lumière de Julien Crépin.

Avec Olivier Broche en alternance avec Luc Tremblais, Vincent Debost et Anne Girouard.


Du mercredi au samedi à 19h15 et le dimanche à 15h00 jusqu’au 9 janvier et du mardi au samedi à 19h15 et le dimanche à 15h00 ensuite

94 rue du Faubourg du Temple, Passage Piver, Paris 11ème

01.48.06.72.34  www.theatredebelleville.com

 

PENSER QU’ON NE PENSE À RIEN C’EST DÉJÀ PENSER QUELQUE CHOSE au Théâtre de Belleville
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