Comme il est savoureux de voir l’humanité par le bout de la réalité non feinte, sans fards mais avec ses failles et ses dérisions qui font désordre, ses joies courtes et profondes qui rendent le quotidien supportable tel qu’il est, magiquement et piteusement vrai.
Monsieur Stéphan s’en va nous raconter, entre réel et imaginaire, ce qui a fait son histoire, ce qui fait son présent. On y compte moult loupés flagrants ou malheureux. Se baignant d’illusions dans l’espoir de jours meilleurs où il pourrait publier son roman, il brille ses derniers feux comme un perdant magnifique pour ne pas sombrer dans le précipice de l’oubli. Il est celui que l’on plaint et pour qui compassion et pitié évitent de trop s’approcher du bord, de peur d’y tomber.
L’histoire de monsieur Stéphan, c’est la sienne bien-sûr mais comme il est drôle de s’apercevoir qu’il y a un peu des nôtres aussi, même s’il est difficile de le reconnaitre. La catharsis du théâtre, ses effets miroirs, ses rappels de souvenirs…
Comment ne pas ressentir ces expressions de fatigue lasse et parfois crasse honteusement cachée derrière l’humour, ces douleurs infligées par l’humiliation de la vie que l’on s’empresse de transformer en expériences qui apportent force et encouragement. Un leurre de bonheur pour les jours fastes.
Il nous sidère monsieur Stéphan. Il ne lâche pas prise. La joie déborde du vase de cendres. Il nous emporte peu à peu puis tout à fait dans son univers où le merveilleux fait loi. Le chaos ambiant devient un terrain d’envol. Une forme de résilience du passé qu’il conduit vers une échappée belle. Celle des rêves éveillés ou des désirs enfouis. De l’amertume, féroce et cruelle de sa vie, il rit sans renoncer et nous fait rire.
La mise en scène de Dominique Jacquot et Marie-Anne Jamaux accompagne adroitement les péripéties du récit. De nombreux temps suspendus et des effets scénographiques judicieusement répartis viennent ponctuer le fil du monologue.
Le jeu de Dominique Jacquot est passionné et passionnant. Il nous tient en haleine, nous fait vibrer des peurs, des illusions et des meurtrissures de son personnage.
Un texte cru et direct de Serge Valletti, aux allures véritablement intrusives, qui nous amuse autant qu’il nous parle. Je recommande cette découverte ou ces retrouvailles avec le théâtre de Valletti servi ici par une réalisation et une interprétation réussies.
Spectacle vu le 18 juillet 2018,
Frédéric Perez
Une pièce de Serge Valletti. Mise en scène de Dominique Jacquot et Marie-Anne Jamaux. Scénographie et costume de Sabine Siegwalt. Création sonore de Xavier Jacquot. Création lumière et régie de Maëlle Payonne. Régie en alternance de Christophe Mahon.
Avec Dominique Jacquot.
AU BOUT DU COMPTOIR, LA MER à la Caserne des Pompiers
à 20h45 les 18, 20 et 22 juillet