
Louise est là dans sa chambre. Elle nous attend. Puis tout à coup, elle nous interpelle, gouailleuse presque, complice assurément. C’est délicieux, inattendu et tellement crédible pour ce qu’elle a à nous dire.
Elle semble décidée à ouvrir un temps le livre de sa vie. Il lui faut sans doute d’autres regards que le sien pour bien voir ses images puis écouter sa parole dans ce qui ressemble à une confidente délivrance, une pause nécessaire.
Nous sommes aussitôt troublés et captivés par la sincérité de ce récit de vie, intime et vrai, qui va chercher loin profond les résonnances du passé et qui ravivent les souvenirs. Le souvenir.
Plusieurs personnages masculins sont appelés pour illustrer les brides du passé qui jaillissent du récit de Louise. Les belles heures et les heurts aussi. Notre imaginaire accompagne les étapes égrenées, les péripéties et les joies. Nous vivons ce que Louise nous confie si librement, dans la crudité presque cruelle d’une vérité lâchée.
Comment se cacher le plus essentiel des sentiments amoureux parmi les nombreux qui ont envahi la place ? Pourquoi celui-ci semble-t-il rester à jamais l’unique, peut-être l’ultime ? Faut-il panser cette blessure, ce manque, cette passion qui sourd ? N’y-a-t-il pas moyen de résilience en libérant cette relation enfouie ?
Le texte de Grégory Barco est touchant et drôle à la fois. Un texte très sensible, farouchement dédié à la liberté de parole d’une femme qui retrouve et raconte les plus belles et sombres pages de sa turbulente et truculente vie. Saisissant.
La mise en scène par l’auteur est précise et délicate, jouant du dedans–dehors par des adresses au public, des remarques entre comédiens et cherchant de toute évidence à privilégier notre écoute en laissant à Louise tout le soin de nous entreprendre. C’est ô combien réussi !
L’interprétation de Nicole Calfan relève de l’excellence. Aucun faux pas sur ce chemin pierreux où le pathos comme le lyrisme seraient inconvenants. Son jeu est pêchu, simple et solaire. Cette grande comédienne illumine le texte par une interprétation soignée, fluide, d’une sincérité troublante, d’une présence drôle et sympathique qui nous rend proches de son personnage. L’émotion nous surprend dès le début et ne nous lâche pas.
Bertrand Degrémont n’est pas en reste. Il interprète tous les personnages masculins avec les couleurs et les sentiments qui semblent devoir être les leurs. Tous deux nous sidèrent de leur jeu complémentaire et maitrisé. Ni trop, ni pas assez, elle et il sont justes et convaincants.
Un moment de théâtre mémorable. Jamais un théâtre n’a si bien porté son nom. Je recommande vivement cette rencontre avec Louise, ce spectacle touchant et alerte.
Spectacle vu le 24 juillet 2018,
Frédéric Perez
Une pièce de Grégory Barco. Mise en scène de Grégory Barco assisté de Amandine Sroussi. Costumes de Alain Blanchot. Lumières de Chritophe Naillet.
Avec Nicole Calfan et Bertrand Degrémont.
LOUISE au Théâtre l'Arrache-Cœur
à 17h05 jusqu’au 29 juillet