Vous saviez vous ce que ça veut dire la déconniatrie ? Moi non.
Maintenant c’est plus clair, je sais que c’est le terme utilisé par François Tosquelles pour nommer la psychiatrie. Bon, s’il n’avait pas été psychiatre lui-même, nous aurions pu craindre qu’il ne soit fou, quoique…
Migrant en France sous l’Espagne franquiste, ce psychiatre qui fut membre du POUM, parti ouvrier d’unification marxiste, mouvement révolutionnaire espagnol, devint résistant et œuvra ensuite pour une pratique inédite de la psychothérapie dans la très académique médecine institutionnelle des asiles psychiatriques des années 1940.
Innovant dans plusieurs domaines de la relation aux patients, il est l’un des principaux artisans de la désaliénation dans la psychiatrie moderne dont s’inspireront ensuite de nombreux praticiens. Liant « liberté de mouvement à rencontre, rencontre à conflit, conflit à parole et parole à guérison », il détone par sa pratique. Par ailleurs, il n’est pas certain qu’il ne considère par toute l’humanité comme porteuse de folie !
« La folie est au cœur de chacun »
Et le spectacle dans tout ça me direz-vous ? Et bien figurez-vous que le spectacle raconte l’homme, ses aventures personnelles et sociales, ses combats professionnels et politiques. Le tout se combinant avec des scènes où les patients racontent eux-aussi ce qui fait leur vie.
Ludique et espiègle, ne prenant au sérieux que le contournement du réel, il y a comme un message qui traverse le spectacle, un message qui nous oblige à ne pas oublier l’humanité des personnes dites atteintes de folie. Elles dont les mots et les actions ressemblent souvent à des jeux d’enfants.
« La qualité essentielle de l’Homme c’est d’être fou… tout le problème c’est de savoir comment il soigne sa folie »
Avec un humour décapant en permanence, ravageur même, que l’on devine à l’image du personnage de Tosquelles, le spectacle est fluide et surprenant, ricochant de narrations de témoignage en fictions réalistes et de moments suspendus où la musique et les situations viennent apporter leur part de poésie. Une théâtralité cocasse et curieuse des plus réussies.
Écrit à partir d’une sérieuse documentation, le texte de Frédéric Naud crée un univers fantasque, aux limites du fantastique, jonglant avec le rationnel et l’imaginaire. C’est savoureux et prenant.
Frédéric Naud et Jeanne Videau interprètent avec chaleur et fougue leurs multiples personnages. Tous deux leur donnent une vivacité ludique et une sincérité simple et efficace.
On rit comme on s’étonne, on apprend en se surprenant, on est pris dans ce remue-méninge comme dans une gigue un peu folle dont on sort la pensée chamboulée, le sourire aux lèvres et le ravissement d’avoir passé un très bon moment de théâtre. À voir sans hésiter !
Spectacle vu le 25 juillet 2018,
Frédéric Perez
De Frédéric Naud. Mise en scène de Marie-Charlotte Biais. Création lumière de Louna Guillot. Musique de Chloé Lacan et Alice Noureux.
Avec Frédéric Naud et Jeanne Videau.
LA MÉNINGITE DES POIREAUX à l'Artéphile
à 14h30 jusqu’au 27 juillet