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Une fratrie se retrouve dans la cuisine de l’appartement de leur enfance, réunie en urgence par le plus jeune pour veiller leur mère malade qui se meurt lentement dans sa chambre. Une sœur, deux frères. Veillée de mort imminente, veillée de famille. Ils parlent pour supporter le temps. Ils se reprochent autant qu’ils s’accrochent à leurs souvenirs, se reconnaissent et se découvrent aussi.

 

Qui est ma sœur ? Qui est mon frère ? Et celui-ci pourquoi geint-il tout le temps, lui n’a pas changé. Ou peut-être si finalement, nous avons tous changé, sans se voir assez pour s’en rendre compte, sans se le dire vraiment. Et moi qui suis-je aujourd’hui dans cette fratrie ?

 

Le texte de Gilles Gaston-Dreyfus interroge la question de la fratrie avec humour, caustique certes, mais avec suffisamment de sensibilité pour que nous nous captivions à ce qui se joue devant nous, pour nous et peut-être en nous. « Dans la construction de l'identité personnelle, entre fusion et rivalité, l’influence de la fratrie est bien plus grande que celle des parents » dit la philosophe Nicole Prieur.

 

La pièce est une plongée dans les vagues et la houle des relations fraternelles soumises à l’épreuve de la mort du dernier de leurs parents. Derrière la culpabilité d’être en vie et le fameux syndrome du survivant, les propos font exploser les souvenirs d’enfance, réels, symboliques ou imaginaires qui rapprochent ou éloignent ces rescapés familiaux.

 

Ensemble ou peut-être contre eux-mêmes, les frères et la sœur déjouent la peur du présent en convoquant le passé. Par petites touches discrètes ou violentes, chargées d’évitement et de résistance, d’intimidation et d’apaisement, ils se liguent, chacun dans la solitude de son angoisse, pour affronter les souffrances de ce pré-deuil qui ne dit pas son nom. Le secret des souvenirs remonte en confidence ou en éclat. Les relations oubliées réapparaissent. Les joies et les tristesses. Les affects se mobilisent à nouveau.

 

« C'est drôle qu'elle soit devenue vieille vite »

 

Il tarde que cela finisse, aucun ne le souhaite mais tous l’attentent.

 

 « Elle aurait dû mourir »

 

Une pièce aux accents introspectifs laissant deviner les pensées de chaque personnage, qui met à nu les sentiments d’amour et de haine au sein d’une fratrie confrontée à leur ultime épreuve d’enfants.

 

La mise en scène de l’auteur choisit de tout montrer, les craquages, les hésitations, les échanges, hors ou dans les situations, grâce au décor à découvert de Chantal de la Coste. La distribution est d’une remarquable sensibilité, montrant ou cachant ce que chaque personnage doit protéger ou au contraire délivrer.

 

Dominique Reymond compose, dans les brumes éthérées d’un voile de doute ou de protection, une Jeanne fragile et déterminée, sensible et affectueuse. Gilles Gaston-Dreyfus est Guillaume, l’ainé, qu’il joue avec adresse, tout en force tranquille qui montre peu à peu ses fissures. Stéphane Roger est Yvan, le cadet. Il joue avec beaucoup de finesse et de justesse l’enfant-adulte meurtri. Tous les trois, touchants et attachants, forme un trio brillant et émouvant.

 

Un spectacle qui parle d’une fratrie d’adultes surpris dans l’intimité de leur enfance. Une veillée de famille particulière, prégnante et souvent drôle, particulièrement bien interprétée. Un spectacle que je recommande.

 

Spectacle vu le 13 mars 2019,

Frédéric Perez

 

Texte et mise en scène de Gilles Gaston-Dreyfus. Collaboration Artistique de Camille Melvil. Décor de Chantal de la Coste. Lumière de Fabrice Combier. Musique de Nicolas Errera. Costumes de Carine Sarfati. Sound Design de Jean Croc.

Le standard de Sydney Bechet est interprété par Bernard Pollak à la clarinette, Vartan Karakeusian à la guitare et Jean-Pierre Mulo à la contrebasse.

Avec Gilles Gaston-Dreyfus, Dominique Reymond et Stéphane Roger. Et la voix de Claude Perron.

Du mardi au samedi à 21h00 et le dimanche à 15h30
Relâche les 17 et 19 mars
2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris 8ème
Photo © Giovanni Cittadini Cesi

Photo © Giovanni Cittadini Cesi

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