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Une comédie qui nous interpelle autant qu’elle nous amuse. Nous retrouvons avec plaisir l’univers singulier de Stéphane Guérin où le trouble s’emmêle aux affects, les propos fusent et se juxtaposent autant qu’ils se répondent. Où tout se déverse pour renverser l’ensemble et de ce mélange sort une histoire. C’est cyniquement drôle et attachant.

 

 « Florence vient d’avoir 50 ans et s’interroge. Son mari, Paul, tente de trouver du travail. Pat et son fils Phil, amis du couple, assistent au délabrement de cette famille. Phil met tout en œuvre pour séduire Florence tandis que Pat se débat avec une maladie dont le traitement n’est plus remboursé… L'existence peut-elle se résumer à : Comment ça va ?»

 

« Comment ça va ? » Cette question passe-partout est souvent posée en préalable ou au débotté. Comme si la réponse importait moins que la distance conventionnelle qu’elle permet. Elle installe un non-dit impérieux, une double injonction contradictoire. On espère entendre oui et le reste qui se déclenche en ribambelle. Mais on craint le pire, c’est-à-dire le contraire qui obligerait à arrêter cette parade et entrer réellement dans la relation avec l’autre.

 

Mais pourquoi donc Stéphane Guérin s’en sert-il comme titre de sa pièce ? Tous les personnages de la pièce ne seraient-ils pas en crise, par hasard ?

 

Car sans vouloir forcir le trait sur le tableau déjà bien noir, ils ne semblent pas vraiment déborder de joie, Florence, Paul, Pat et Phil. Il y a du doute dans l’air pour chacun d’entre eux. Ils n’auront de cesse de tenter de dire leurs souffrances ou leurs frustrations. De se confronter sur ces sujets. De toute évidence, ce sont des explications dont ils ont besoin. Les trouveront-ils ?

 

Ah, ils n’y vont pas par quatre chemins pour leurs recherches.  C’est tout droit et sans virages. Ravages et dérapages en prime. Désolé pour eux mais c’est hilarant et jubilatoire. Le texte est vachard et caustique, les personnages truculents et touchants. Les situations sont cocasses et teintées d’absurde, les répliques saillantes et leurs tournures irrésistibles. C’est crument et cruellement dit, très efficacement fait.

 

C’est avec une hargne féroce ou une langueur désappointée qu’ils cherchent à réduire l’écart entre l’attente et la satisfaction du désir. Le désir de mieux vivre l’âge qui avance, le désir d’aimer et celui d’être aimé. Désirs qui se butent à la réalité. Est-ce que séduire ou être séduit suffit à apaiser les craintes ? Faut-il se conformer à tout prix aux prescriptions sociales, au correct ambiant dominant ?

 

Sortilège infernal ou tunnel éclairé, à quoi sert la famille dans tout ce magma ? Carcan ou cocon ?

 

La mise en scène de Raphaëlle Cambray joue des contraires et des ruptures autant que le texte le permet. Les situations et les personnages sont montrés en découpe et se rejoignent pour des moments de duos ou de polyphonie d’ensemble.

 

L’interprétation est brillante. Patrick Catalifo, Pascal Gautier, Raphaëline Goupilleau et Florence Pernel campent leurs personnages avec une énergie toute en nuances, de la fougue à l’abattement, de la déroute à l’émotion.

 

Une comédie caustique et singulière, mise en scène avec adresse et jouée avec brio.

 

Spectacle vu le 19 juillet,

Frédéric Perez

 

 

De Stéphane Guérin. Mise en scène de Raphaëlle Cambray assistée par Pierre-Louis Laugérias. Lumière de Marie-Hélène Pinon. Scénographie de Catherine Bluwal. Musique originale de Raphaël Sanchez. Régie de Mathieu Le Cuffec.

 

Avec Patrick Catalifo, Pascal Gautier, Raphaëline Goupilleau et Florence Pernel.

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