Mais qu’est-ce donc que ce spectacle ? Un énième one-woman-show ? Non pas. Un spectacle d’humoriste supplémentaire qui se moque d’autrui comme le font les blagues de fin de banquet arrosé ? Non plus !... Mais c’est quoi alors ?
Bon j’arrête, ce n’est pas votre jour de chance. D’ailleurs, il serait opportun de s’interroger sur cette guigne qui s’empare de vous tout à coup à la lecture de ce questionnement. Est-ce une situation fréquente pour vous ? Cela aurait-il un lien avec l’enfance ? Des soirées de « Mille Bornes » en famille peut-être, où vous perdiez trop souvent ? Non ?... Allons, allons, je m’égare et ne veux agacer.
Mademoiselle Pinson est une roublarde. Elle nous roule dans la farine les failles identitaires et existentielles qui se baladent ici ou là par chez elle ou par chez nous. Les mélangeant ensemble avec des mots aigre-doux et des phrases sucrées. Au début, on sourit poliment mais très vite elle nous entraîne dans un flot d’humour cru et cruel où les vraisemblances se bousculent et sont trop efficaces pour qu’on ne finisse pas par en rire tout notre soûl.
Mademoiselle Pinson est une finaude. Elle dessine finement les contours de la carte de l’énonciation sans jamais franchir les frontières. Elle se dévoile sans doute un peu. Elle nous dévoile certainement aussi. Une autrice de rêve à l’écriture ciselée. Elle dit si bien tant de choses qui interpellent que nous nous sentons aussitôt proches, voire complices. Dans tous les cas concerné·e·s.
Avec ce petit dernier PSY CAUSE(S), Josiane Pinson ouvre ici son troisième volet des élucubrations d’une analysante-analysée-en-analyse. C’est un somptueux et hilarant florilège de séances de psychothérapie d’une vraisemblance amusée et criante de véracité qu’elle joue seule à la perfection. Une théâtralité riche et jubilatoire. Elle nous entreprend avec des allures de raconteuse captivante et drôle, campant tous les rôles, comme une aède qui viendrait rencontrer les gens pour leur donner de leurs nouvelles.
Sur un ton qui cisaille net toute velléité de s’installer dans une écoute alanguie et gentiment attentionnée, elle nous interpelle la bougresse ! Ah ça mais, elle vient nous chercher là où on pensait cacher tranquillement nos oublis bien enfouis sur les femmes de notre vie, celles que nous avons croisées comme celles que nous avons sublimées sans doute. Dans des cachettes aux secrets refoulés ou frustrés que même notre mémoire ne saurait plus trouver.
Avec un abatage implacable, redoutable et élégant à la fois, elle nous surprend tout à fait. Ça dépote et ça dévoile à tout va, comme un jour de grand vent.
Voilà une artiste qui sait très bien nous dire ce qu’elle veut nous faire entendre. La catharsis fonctionne à plein régime. Ce qu’elle nous dit d’elle(s), nous dit aussi. Une fouine de la conscience je vous dis.
Bien sûr, le rire se fait protecteur et filtre autant qu’il peut. Mais reconnaissons qu’il peut peu quand il s’agit de regarder comme dans un miroir presque, et de se reconnaitre sans le vouloir. Ses propos nous troublent et nous touchent parce qu’ils sont vrais et irrésistiblement drôles.
Le texte est façonné avec truculence et percute avec précision. Fluide et parsemé de saillies efficaces, il déroule une farandole de tableaux que nous dégustons avec gourmandise. Le plaisir est immédiat, nourri de rires et de fous-rires et, si l’on veut bien les entendre, de questions importantes sur la femme aujourd’hui, ses conditions et ses choix de vie, sa reconnaissance sociale.
La mise en scène de Gil Galliot accompagne avec adresse le flux enthousiaste et le rythme cadencé des différents tableaux. Tout semble spontané, frétillant et espiègle. Sans appui ni effet inutiles. Le texte. La comédienne. Des voix off.
Un spectacle savoureux par sa hardiesse et sa vélocité, sa joie et son intelligence. Magnifiquement interprétée par son autrice Josiane Pinson, tout en plaisir de partage que nous acceptons volontiers. Un spectacle que je conseille vivement.
Spectacle vu le 20 janvier 2019,
Frédéric Perez
De et avec Josiane Pinson. Mise en scène de Gil Galliot. Avec la complicité de Judith Magre, Anie Balestra, Achille Orsoni et Bruno Magne.
À partir du 18 janvier
Les samedis à 17h00
34 rue Richer, Paris 9ème
01.40.41.00.00 www.tlsp.paris