Un moment de théâtre mémorable, saisissant et nécessaire.
Comme une myriade de sentiments et de pensées entremêlées charriant des vagues de sensations jusqu'aux émotions qui étranglent, comme une succession de gifles qui cinglent et interrogent.
C'est une pièce exemplaire et illustrative qui questionne la justice humaine et sa place dans l'humanisme aujourd'hui.
« Anna vit avec son mari Matias et leur fille âgée de 8 ans. Elle mène une vie facile jusqu’au jour où Matias est tué lors d’un déplacement professionnel à Houston. Un délinquant du nom de Michaël Ellis est arrêté et condamné pour ce crime. Anna reçoit alors la visite de Clémence, bénévole dans une association qui met en lien les familles des victimes avec les condamnés : elle lui apporte une lettre de Michaël Ellis, qui souhaite entrer en contact avec elle. »
Le texte de Violaine Arsac est un pur joyau théâtral qui aborde le propos sans ambages, sobrement et efficacement. Un texte qui interroge les notions de réparation et de résilience, de compassion et de souffrance, du droit au pardon, de la responsabilité sociale du sort réservé aux condamnés.
C'est l'histoire profondément troublante de deux femmes face à face puis côte à côte, confrontées aux enjeux de leurs vies et qui combattent à leur manière pour surmonter la douleur de l’irremplaçable perte d’un être cher.
C'est un spectacle vif et lumineux qui traverse les affres intimes de chacune d’elles, en tant que femme, épouse ou mère. C'est un spectacle dont nous ne sortons pas indemnes, qui nous interpelle en nous touchant profondément.
Le public est placé face à l’histoire en permanence. Impossible de ne pas convoquer l’imaginaire pour illustrer ce qui est en jeu. Impossible de s’extraire de la puissance de suggestion des propos des personnages et de leurs interactions ni des rebondissements du récit.
Les personnages sont dessinés au trait fin, colorés avec de multiples variations et habités par une distribution hors pair qui sait s'y prendre pour nous cueillir et nous tenir tout le long. L’intensité de jeu des comédiennes et du comédien capte l’attention et nous délivre avec force les contours et les étapes de cette histoire bouleversante dans laquelle nous sommes pris et surpris.
Marie Bunel est magnifique dans le rôle central de Clémence. Son jeu subtil et délicat est remarquable. Il y a tellement d'amour dans son regard qu'elle nous touche sans coup férir. Il est difficile de ne pas se projeter et s'émouvoir dans cette quête permanente de justice et de reconnaissance.
Le désarroi, la colère et le bouleversement que joue Noémie de Lattre dans le rôle de Anna sont saisissants. Avec Grégory Corre, Mathilde Moulinat (et la voix de Benjamin Penamaria), elles et ils participent avec finesse et efficacité à la tension palpable qui s’installe dès le début et ne nous lâche pas.
Un spectacle prégnant aux messages percutants, une mise en scène habile, une interprétation fascinante et palpitante. Un très beau moment de théâtre que je recommande absolument.
Spectacle vu le 11 juillet
Frédéric Perez
Texte et mise en scène de Violaine Arsac assistée pour la mise en scène par Stéphanie Froeliger. Décor et costumes de Caroline Mexme. Lumière de Rémi Saintot. Musique de Romain Trouillet.
Avec Marie Bunel, Grégory Corre, Noémie de Lattre, Mathilde Moulinat et la voix de Benjamin Penamaria.
Jusqu’au 31 juillet (relâche les lundis)
https://www.festivaloffavignon.com/programme/2021/la-derniere-lettre-s27873/