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Nous retrouvons le plasticien Fabien Petiot à l’occasion de la préparation de sa prochaine exposition qui aura lieu à Mâcon (71), salle François-Martin, du 15 au 28 novembre 2021.

 

 

Quelle est l’origine de ce projet ?

 

Il s’agissait d’une exposition individuelle nommée Marianne Rebelle, référence à la fois au contexte social de l’époque, au lieu d’exposition (Galerie Mary Ann), à l’un des travaux présentés et enfin à une chanson de Noir Désir. Cet événement devait se dérouler début juin 2020.

 

L’histoire que nous connaissons aujourd’hui a fait que, reports après reports et adaptation relative aux espaces et créneaux disponibles ensuite, je me suis vu attribuer cette plage potentielle pour exposer. C’est une situation plutôt positive car beaucoup d’artistes ont vu purement et simplement leurs projets d’expositions annulés. Toute la difficulté étant que le contexte qui était celui de l’exposition à l’époque n’existe plus. Je me suis donc retrouvé à devoir réinventer le projet de cette exposition.  

 

 

Pourquoi y associer trois autres artistes ? Quels liens esthétiques vous réunissent ?

 

Démobilisé par les problèmes liés à la crise sanitaire, j’avais décidé de ne plus rien entreprendre en termes de valorisation de mon travail avant 2022. Pour autant je ne pouvais pas manquer à mon engagement. Je n’arrivais pas à me voir dans des conditions « standards » d’exposition pas plus que je n’avais envie d’organiser un espace d’exposition centré uniquement sur mon travail et ma personne.

 

J’ai vécu en juin 2020 une expérience de collaboration à l’exposition d’un autre artiste, Joe Vitterbo. À cette occasion, j’avais installé mes dernières productions abstraites en correspondance aux travaux plus figuratifs de Vitterbo. Je ne demandais qu’à renouveler cette expérience très positive.

 

Définitivement, sans tomber non plus dans l’outrance collective, je préfère aujourd’hui les projets d’exposition regroupant plusieurs artistes ayant collaboré à l’installation de la globalité de l’espace. Cela génère beaucoup plus d’inventivité, de convivialité. C’est une façon de réinjecter le facteur humain dans ce système très standardisé et codifié qu’est l’exposition d’arts plastiques et visuels.

 

Les liens esthétiques entre les quatre artistes ne sont pas flagrants. lolOx et Greg (Grégory Pouillat) sont sur des propositions penchant plutôt du côté des arts graphiques. Ce que nous connaissons à ce jour de Vitterbo est plutôt de l’ordre de la peinture. Quant à moi, j’ai des axes de pratiques multiples qui tantôt s’éloignent, tantôt se rapprochent des styles des autres plasticiens de l’expo. Ma proposition aux autres artistes a été de ne pas hésiter à montrer des travaux sortant des domaines connus de la personne.

 

En réalité c’est plutôt une culture visuelle liée plus ou moins directement à nos gouts musicaux qui tisse le lien entre nous. Il y a un esprit très rock’n’roll, musique alternative, entre les quatre plasticiens de l’expo et du coup, des façons similaires de porter notre regard sur notre environnement.

 

Comment expliquez-vous le parcours et les choix des nombreux thèmes sociétaux que vous avez traités jusqu’à présent ?

 

J’ai toujours été en réaction, au sens noble du terme, par rapport à mon environnement. Je n’ai jamais considéré les choses comme acquises, je déteste le principe des certitudes ayant valeur de ciment moralisateur.

 

Dans les années 90, je cultivais ma révolte permanente pour me créer une identité sociale. Je trouvais dans le milieu du rock’n’roll, du punk rock, de la bande dessinée alternative des points de référence et d’appartenance favorisant cette attitude. Le temps a passé et j’ai réellement appris à regarder et écouter. Tout naturellement, cela a favorisé un intérêt tourné vers les autres plus que sur moi-même.

 

Mon parcours professionnel m’a amené à agir dans les espaces éducatifs, ceux des enfants et adolescents ainsi que ceux des adultes. Du coup j’ai développé une conscience de la nécessité pour le plasticien d’utiliser ses capacités pour parler de nous, des gens, des citoyens, femmes, enfants, hommes…, et du monde en général.

 

La communauté artistique contemporaine est à mon sens beaucoup trop isolée et recluse dans des problématiques conceptuelles inaccessibles (entendre par là nécessitant des prérequis de savoirs possédés par une minorité sociale). Nous sommes citoyens avant d’être artistes, notre place est dans un échange avec les autres citoyens. Cela n’empêche pas de développer des axes de travail beaucoup plus introspectifs, esthétiques ou poétiques. Il n’y a aucune schizophrénie derrière cela.

 

 

Quelle place dans votre travail et quels sujets seront abordés dans cette exposition de novembre ?

 

Je travaille depuis un an sur des œuvres dans l’idée de les utiliser pour cette exposition. Les thématiques sont très diversifiées. Elles sont un peu moins situées dans le champ du fait social et politique, plus orientées vers une approche psychologique, toujours sur le principe d’un jeu de questionnement, d’interrogation de celle ou celui qui regarde.  Cependant, nous allons réfléchir à quatre sur la globalité de l’installation ce qui est une situation relativement complexe. Du coup difficile de dire si des sujets particuliers ressortiront ou si l’ensemble donnera l’impression d’un voyage dans une sorte de grand bazar des arts visuels.

 

 

Quelles seront les techniques utilisées et quelles priorités avez-vous données à la sélection des œuvres qui seront présentées ?

 

Au regard de la polyvalence des quatre plasticiens, on peut imaginer être en présence de techniques multiples. Là aussi, difficile de dire qui exposera quoi. Mais potentiellement, dessins encrés et crayonnés, travaux gestuels à l’encre de chine, assemblages, installations visuelles et sonores, peinture, photographie, objets préparés…, bref ce n’est pas la production qui va manquer mais la profusion nous obligera à faire des choix. Il sera impératif que nous organisions l’espace pour que chaque production respective puisse être valorisée à part égale.

 

Ce n’est pas une exposition où j’invite d’autres artistes mais bien quatre artistes qui exposent, la nuance est importante.

 

 

Par ailleurs, vous enseignez à l’école municipale d’arts plastiques de Mâcon. Pourquoi ce choix de la transmission ? Quels rapports faites-vous avec votre travail de création ?

 

Très honnêtement il y a une partie minime très pragmatique dans cette situation, travailler pour avoir un revenu même si ce dernier est loin d’être conséquent. Je suis très heureux que les gens viennent me voir lors des expositions pour me féliciter pour mon travail. Quant à m’acheter ce dernier et le transposer dans leur espace de vie, nous en sommes encore très loin.

 

Ensuite le choix d’une action éducative via les arts plastiques est un axe à part entière de mon travail de plasticien. C’est une entrée très conceptuelle de ma pratique mais néanmoins bien réelle. Quand je suis face à un groupe d’adolescents ou d’enfants de petites sections je ne peux pas « tricher », le vocabulaire et le comportement doivent être adaptés, le sens du travail perçu par le public. Dans ces conditions je ne travaille pas sur une œuvre, pour autant je travaille bien sur un espace, celui de l’apprentissage, de l’acquisition de savoirs par des individus. Il y a un cahier des charges relatif à cela avec la structure, la notion de commande publique n’est pas si loin que ça. Enfin, après toutes ces années, je dirai qu’il y a presque quelque chose de naturel à ce que je sois à nouveau confronté à un public dans une situation d’apprentissage. Après-tout, c’est ce que j’ai fait durant presque toute ma vie professionnelle jusqu’à aujourd’hui, art et éducation, éducation et art, ce sont les deux moteurs qui m’ont animé depuis plus de trente années.

 

 

Quelles sont vos prochaines réalisations à l’œuvre ?

 

L’intégration de l’École d’Art en 2019 et les différentes phases de confinement liées à la crise sanitaire m’ont amené à exercer de nouvelles pratiques et techniques. Je suis donc actuellement dans une phase expérimentale ou j’ajoute de nouvelles cordes à mon arc. Céramique, linogravure, cyanotype viennent produire des éléments de base pour des travaux peints et assemblages.

 

J’essaye actuellement de simplifier les processus qui m’amènent à un travail ou tout du moins à son idée, plus trivialement, j’essaye d’apprendre à ne pas me prendre la tête sur une idée, à créer des choses simplement, sans une charge de sens trop conséquente. Récemment, j’ai réalisé une série de volumes avec des galets sur la plage durant un séjour en Bretagne, ce fut une expérience très salutaire, apaisante, simple.

 

Enfin, je pense que je vais consacrer beaucoup de temps à ma recherche abstraite. C’est une pratique passionnante, un casse-tête permanent entre rythme, matière, couleur. Le coté très immersif du travail est très appréciable, c’est une rupture avec la réalité comme s’il ne s’agissait que de résoudre une équation.

 

La fin de 2021 et l’année 2022 vont être des phases de transition pour moi, je pense que je bouclerai le chapitre de certaines façons de travailler tout en priorisant de nouvelles ouvertures graphiques et esthétiques.

 

 

 

Ces propos sont à la fois le résultat loyal et sincère du jeu alternatif d’un entretien à distance entre nous deux mais au-delà de la communication narrative, Fabien Petiot livre ici ses aspirations personnelles et les questionnements qui ont traversé et traversent son parcours et ses choix.

 

Un entretien passionnant avec un artiste engagé dans une création volontariste, qui inscrit son travail dans son environnement social et culturel riche et censé. Un travail qui vaut le détour de regards furtifs ou saisis, de pauses en face mais aussi au-delà de ce qui est montré. Un plasticien bourré de talent et d’idées, à suivre assurément.

 

Frédéric Perez

 

 

Entretien avec Fabien Petiot à l'occasion de sa prochaine exposition à Mâcon
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