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Ce spectacle est une joyeuse chronique théâtrale de la vie politique française, conjuguée au temps présent, qui n’oublie pas qu’aujourd’hui s’inscrit dans la succession de nombreux « hiers ». Passés pas si simples, passés richement composés et subjonctifs futurs aussi !... Formidable grimace, sautant les pieds joints dans la flaque en cette période charmeuse et si peu charmante de campagne à l’élection présidentielle.

« Une fantaisie satirique qui s’inspire de faits historiques vérifiés et recoupés. Cette traversée, nous la commençons en 1966 sous Charles de Gaulle en compagnie de deux conseillers spéciaux du Président sur lesquels le temps ne semble pas avoir de prise. Ils ont connu vingt-cinq présidents et cinq Républiques, les règnes se succèdent et eux ne bougent pas. Les Présidents sont les trains, eux sont la gare. »

Le parti-pris de l’observation sarcastique de deux témoins qui ont tout vu et qui ne se privent pas de le dire et de le commenter se révèle un artéfact dramaturgique astucieux et délibérément grinçant. Les propos brocardent l’idéologie politique dominante qui traverse les âges et court toujours, tout en les illustrant de contradictions persiflantes et efficaces.

Rire et sourire n’ont jamais empêché de penser, d’aiguiser son analyse critique et d’affuter son opinion, au contraire ! Avec cette pièce, les auteurs Stéphane Olivié-Bisson et David Salles le démontrent allégrement en s’appuyant sur une redoutable précision des faits, une élégance sure dans leur dénonciation et une ténacité intangible et impitoyable dans la recherche du vrai parmi tous ces faux-semblants qui s’amoncellent. Chaque fait est cyniquement situé dans son contexte, prend sens et agit de son effet sur la mémoire de certains et la conscience de tous.

Attention aux âmes sensibles à la noblesse des valeurs humaines ! Ce défilé en farandole, cette fanfare cocasse de présidents qui se succèdent, peuvent rendre fous de colère et tristes de rage.

Heureusement c'est du théâtre !...

Mais alors, c'est fiction que tout cela ?

Hélas non. Nous sommes en présence d’un théâtre social et politique où la documentation a prévalu à l'imagination des auteurs. Seuls les faits nourrissent le récit mais la forme choisie pour les relater est on ne peut plus artistique, fichument habile et accessible, drôle et complice. La recherche des constats a bien été faite dans les coffres des souvenirs oubliés ou cachés.

Du théâtre dans la pure tradition des goliards et des jongleries populaires du Moyen-Âge, des aèdes parcourant les villages ou encore des Mystères Bouffes de Dario Fo ou du Théâtre de l’opprimé de Augusto Boal, sans oublier nombre de cabarettistes modernes, censurés ou tolérés.

Le questionnement ressort sans désemparer au fur et à mesure que les années passent et que les présidents filent à la queue leu leu.

Le pouvoir est-il antinomique de l’intégrité ? La corruption est-elle un attribut symptomatique et irrémédiable de celle ou celui qui l’exerce ?

Pourquoi nous vient-il en bouche, tout au long du spectacle, comme un gout amère d’injustice et cette volonté qui s’affirme de ne pas être dupes face à ses « affaires », ces petits arrangements entre amis, ces gros cadeaux qui entretiennent les relations de caste, ces mensonges qui nous bernent ?

Alors oui ? tout est bon dans le cochon ?

La pièce est adroite, le spectacle réussi. Saillies et ruptures truffent le texte et colorent le récit d'une décapante ironie face à cette monstrueuse kyrielle d’écarts indignes qui défile sous nos yeux. Une adresse d’écriture et de mise en vie qui n'hésite pas à aller jusqu'à jouer les pitres par moments, comme ça, pour aérer les fenêtres sur l'absurde et respirer un peu en laissant sortir cet air vicié de « remontées de catéchisme » et de bonnes paroles distillées.

La mise en scène des auteurs est attrayante et fonctionne à merveille, rebondissant sur des effets de jeux, des images d’archives projetées et des situations burlesques bienvenues. La distribution composée par Delphine Baril, Stéphane Olivié-Bisson et David Salles excelle et ne se trahie pas par des facilités dans lesquelles la truculence du texte pourrait les faire glisser. Le comique est bien là, l’ensemble reste crédible et efficace. Chapeaux bas les artistes !

Un spectacle à l’intelligence drôle, qui nous renforce à ne jamais céder à la tentation de se soumettre et d’abandonner toute vigilance. Un spectacle cru à l’actualité criante. Un moment de théâtre salvateur et divertissant. À voir et à savourer de toute urgence.

 

Spectacle vu le 12 octobre 2021

Frédéric Perez

 

Écrit et mis en scène par Stéphane Olivié-Bisson et David Salles. Décors : Angelo Zamparutti. Lumières : Laurent Béal. Costumes : Marie Credou. Accessoires : Ludivine Léger. Collaboration artistique :  Pascal Castelletta. Chorégraphie : Sophie Tellier.

Avec Delphine Baril, Stéphane Olivié-Bisson et David Salles.

 

 

Du mardi au samedi à 21h00 (relâches les 18 et 19 novembre)

64 rue du Rocher, Paris 8ème

01.45.22.08.40  www.theatretristanbernard.fr

 

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