Une fantaisie alerte et joyeuse, située fin des années 20, qui fleure bon l’illustration d’un de ces nombreux combats féministes qui ne dit pas son nom mais qui s’inscrit dans ce considérable travail de reconnaissance et d’émancipation.
« Paris. Les Années folles. La rencontre de trois opératrices de téléphone, Marthe, Denise et Jeanne, fait des étincelles surtout lorsqu’elles se retrouvent à créer un service inédit : donner du plaisir aux hommes, par le simple son de leurs voix. Mais leur entreprise innovante se retrouve au cœur de toutes les convoitises… Les obstacles seront multiples. À cœur vaillant rien impossible ! Mais seront-elles assez courageuses pour affronter tous les dangers de cette folle épopée ? »
L’argument est traité de manière légère et sur un rythme effréné qui répand des brassées de fraicheur tout au long des scènes piquées de petites touches d’émotion. C'est drôle mais pas que… Délurées tendance charmeuses, ces trois jeunes femmes nous feraient presque croire au bonheur des conversations tarifées du téléphone rose si l’exposé grossi façon burlesque de tous ces fantasmes masculins mis à nu ne cachaient pas la tristesse d’étranges solitudes.
Ces trois destins de débrouille ne sont pas sans nous poser là, devant cette édifiante place que nombre de femmes ont dû et doivent encore arracher par le combat, au patriarcat qui nous le savons mais répétons-le, est à la domination masculine son plus bel article de vitrine. Marthe, Denise et Jeanne montrent à quel prix elles doivent se sortir de ce carcan trop serré pour leurs lignes roses.
Vers quelle fin courent-elles ainsi ? fuite ou échappée ? La course est belle en tous cas, l’histoire nous amuse et ses trois héroïnes nous intéressent. Loufoques et écervelées en apparence mais sans doute ni innocentes ni inconscientes.
Les trois comédiennes Odile Blanchet, Bérénice Boccara et Sana Puis, également autrices de leur spectacle, jouent d’enthousiasme et d’engagement. Aussi sensibles que pêchues, elles nous embarquent dans leur histoire. Nous sommes cueillis et ravis.
La mise en scène de Jean Laurent Silvi assisté par Nastassia Silve conduit très adroitement l’affaire tambour battant, les jeux et les situations calés au cordeau donnent cette impression de douce folie précipitée qui traverse le récit. C’est réjouissant.
Les autres techniques du spectacle ne sont pas en reste. Le décor astucieux de Olivier Prost assisté par Lucas Thébault, les jolis et seyants costumes de Claire Avias, les lumières vives et chaudes de Éric Mileville, et la musique délicieusement jazzy de Mathieu Rannou donnent à la pièce son dynamisme, son réalisme et son élégance.
Une joyeuse et touchante histoire de femmes qui ne s’en laissent pas conter, mise en vie avec éclat et jouée avec brio. Courez-y, il reste quelques jours encore.
Spectacle vu le 24 octobre 2021
Frédéric Perez
De et avec Odile Blanchet, Bérénice Boccara et Sana Puis.
Mise en scène de Jean Laurent Silvi assisté par Nastassia Silve. Scénographie de Olivier Prost assisté par Lucas Thébault. Lumière de Éric Mileville. Costumes de Claire Avias. Musique de Mathieu Rannou.
Jusqu’au 31 octobre
Du mardi au samedi à 21h00 et le dimanche à 17h30
53 rue Notre-Dame-Des-Champs Paris 6ème
01.45.44.57.34 www.lucernaire.fr