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Revisitée dans le contexte d'une famille bourgeoise des années 50, dans une dimension délibérément plus sombre marquée par l’emprise de la manipulation et la volonté de destruction, la comédie satirique de Molière prend ici les tournures d’un récit psychologique aux allures fantastiques et horrifiques, façon thriller. Une narration qui s’installe avidement, avec des saveurs aigres, dans la violente et implacable férocité des propos et des situations.

« Un famille bourgeoise et installée, tout à coup troublée et désunie par la seule présence d’un étranger hypocrite et faux dévot, Tartufe, qui a su s’emparer de l’esprit de la mère et de son fils qui donne asile au ’’pieux’’ personnage. »

Le récit recontextualisé fonctionne dans la palette de couleurs et d’harmonies reconnaissables de Macha Makeïeff. L’onirisme poétique aux accents burlesques, l’espiègle grandiloquence démonstrative et l’esthétique soignée apportée aux détails se côtoient. Les effets nombreux tendance loufoque, qu’ils soient sonores ou visuels, chargent toutefois un peu la barque au détriment de l’énonciation du texte.

L’entreprise est déroutante aux premiers abords tant on cherche des repères de connaissance dans le texte et dans l’argument. Puis on laisse filer pour se faire volontiers prendre au machiavélisme acharné et aux agressions criardes des ruades des personnages investissant les rebondissements de ce qui est devenu une « tragicomédie » percutante. Un « Tartuffe » où l’imposture se confond avec la folie ambiante des personnages désabusés, exaspérés par ce qui les attend, dans une ambiance de magie noire qui enveloppe toute la narration autour du dévot maléfique.

Le travail de mise en vie soigné et l’interprétation magnifique de la troupe (malgré la difficulté souvent agaçante de compréhension du personnage du frère, liée à un accent fort prononcé et une diction inaudible) offre un « Tartuffe » aux regards renouvelés restant fidèles aux fondements de la satire sociale et politique originelle. À noter l’excellence du jeu de Xavier Gallais qui apporte une contribution détonante au tableau des « Tartuffe » qui se succèdent, et la toujours impressionnante prestation de Vincent Winterhalter, ici un brillant et émouvant Orgon.

Un spectacle qui bouscule les perceptions habituelles de la pièce mais qui présente un intérêt manifeste par sa novation et l’ouverture cynique de sa lecture vers un exposé plus appuyé de la perversité du propos, la sublimant inconditionnellement vers la fantasmagorie.

Spectacle vu le 2 décembre 2021

Frédéric Perez

 

De Molière. Mise en scène, costumes et décor de Macha Makeïeff. Lumières de Jean Bellorini assisté par Olivier Tisseyre. Son de Sébastien Trouvé. Musique de Luis Fernando Pérez. Coiffures et maquillage de Cécile Kretschmar. Danse de Guillaume Siard. Assistants à la mise en scène Gaëlle Hermant et Sylvain Levitte. Assistante à la scénographie Clémence Bezat. Graphisme de Clément Vial. Assistante aux costumes Laura Garnier. Assistant à la dramaturgie Simon Legré.

Avec Xavier Gallais, Arthur Igual en alternance avec Vincent Winterhalter, Jeanne-Marie Lévy, Hélène Bressiant, Jin Xuan Mao, Loïc Mobihan, Nacima Bekhtaoui, Jean-Baptiste Le Vaillant, Irina Solano, Luis Fernando Pérez en alternance avec Rubén Yessayan, Pascal Ternisien. Et la voix de Pascal Rénéric.

 

 

Jusqu’au 19 décembre

Du mardi au samedi à 20h30 et les dimanches 12 et 19 à 16h00

37 bis boulevard de La Chapelle Paris 10ème

01.46.07.34.50  www.bouffesdunord.com

 

Photos © Pascal Gely
Photos © Pascal Gely

Photos © Pascal Gely

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