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Impressionnant Denis Lavant qui instille, entre silences et paroles, des soliloques écervelés, déroutants par leurs nombreux refuges labyrinthiques, exprimés avec une façon de confidences volées, laissant venir l’impact jusqu’à nous et ouvrir le miroir qui nous regarde.
Quatre textes de Samuel Beckett, ’’L’image’’, ’’Un soir’’, ’’Au loin, un oiseau’’ et ’’Plafond’’, publiés dans le recueil ’’Pour finir encore et autres foirades’’ aux éditions de Minuit. Quatre points de vue pour poser son regard sur l’essentiel de l’instant, avant qu’il ne passe et s’éloigne. Pour dire son unicité, fille du hasard peut-être, y faire plonger l’auditeur et le surprendre en tant que spectateur.
Quatre temps aux côtés de Denis Lavant, ce diseur pénétré et bouillonnant qui nous happe depuis le noir interminable qui ouvre le spectacle et nous entraine comme tenus par la main, dans un voyage aux pays des mots qui bougent et des images qui se fixent. Quatre monologues intérieurs posés là, au soin des aléas du texte, mais dont la résonnance des effets suggestifs produits sur l’intime les transforment en paroles d’or.
C’est dans une sorte de manège entêtant et délicieux à la fois que nous sommes ballotés, dans une ambiance aux échos retentissants et profonds, envoutés par la voix magique du comédien. Pris et surpris par cet aller-retour entre l’être vu et l’être ressenti, entre l’objet et son observateur, entre la vie qui se déroule et sa vanité qui la suit. Nous faisant cheminer sur une ligne de fuite permanente que les mots étayent et nourrissent.
C’est un spectacle où la pensée se laisse guider par les textes et où l’imaginaire les transpose à sa guise, refluant des réminiscences, charriant des couleurs, semant des impressions.
Dans une épure stricte éclairée en clairs obscurs, le comédien vit pour nous ces textes, les restituent pour que nous les ressentions à notre tour. Une passation extraordinaire que le théâtre sait si bien orchestrer. Un passage d’émotions, une suggestion de sensations, des bribes de pensées qui s’immiscent. Un tout que nous faisons nôtre.
Un spectacle dans un halo précieux qui nous enveloppe et nous touche. Un spectacle où la raison et l’émotion s’emmêlent laissant aux imaginaires le soin de s’y retrouver. Un formidable moment de théâtre porté par un formidable comédien. Indispensable rencontre à savourer.
Spectacle vu le 10 janvier 2022
Frédéric Perez
De Samuel Beckett. Mise en scène de Jacques Osinski. Lumières de Catherine Verheyde.
Interprétation de Denis Lavant.
Jusqu’au 23 janvier
Du mardi au samedi à 19h00 et le dimanche à 15h30
53 rue Notre-Dame-des-Champs Paris 6ème
01.45.44.57.34 www.lucernaire.fr